Les albums-concepts sont en général de grosses commandes pour les groupes osant s'y coller. Certains arrivent à nous faire plonger dans leurs histoires sans trop la narrer et d'autres ne parviennent pas à nous allumer avec le concept qu'ils imposent. Pas toujours évident.

Pour leur deuxième album de Black Sympho/Mélo, les Israéliens de WINTERHORDE (remarquez l'ironie dans le nom de ce groupe du Moyen-Orient) racontent une bien triste et épique odyssée issue du cerveau du bassiste, Celestial, concernant un équipage châtié par une malédiction quand un des matelots s'intéresse de trop près à la fille d'un sorcier/shaman/gypsy, peu importe. Accusé de la disparition/mort/égarement de la fille en question, le matelot/pirate/homme édenté entraîne ses comparses dans l'abîme sous la Lune argentée… C'est pas beau tout ça ? (avis à tous les jeunes hommes : méfiez-vous du père de celle que vous courtisez, surtout s'il vit dans une bidonzone ou un tipi... Et ne maltraitez pas la pauvre demoiselle, de grâce, y'a déjà trop de peuples idiots dans ce domaine sans en rajouter ! Fin de la parenthèse).

Je vous conseille d'abord d'écouter ce très bon "Underwatermoon" en lisant les paroles, comme vous devriez faire avec les contes maléfiques/historiques/pervertis de COF. Vous constaterez ainsi la progression des aventures/mésaventures/émotions vécues par ces pauvres écumeurs des eaux frappés par la main vengeresse des esprits. Ça vaut la peine, je vous assure, sinon je n'en glisserais mot. La qualité de ce disque-concept en est rehaussée. Pas que ses morceaux soient mauvais pris séparément, mais je dois avouer qu'après avoir essayé les deux, je penche pour l'écoute avec lecture. Les délires de Celestial sont pas mal, on a vu pire !

Ses mots sont aussi bien traduits en notes, par une musique puissante, symphonique et atmosphérique qui vous fera planer, headbanger et plisser des yeux. Oui ! Les ambiances navales, parmi les plus fascinantes en Metal (les derniers FAIRYLAND, CARACH ANGREN ou WHILE HEAVEN WEPT notamment) sont bien dépeintes, on se fait prendre au jeu de cette « tragédie » intemporelle. Ne vous attendez toutefois pas à un album balancé à la perfection, car plus "Underwatermoon" avance, plus le ton s'adoucit, s'assombrit en se mélodramatisant, et les mélodies musclées carrément proches d'un Power Metal enflammé du début ("Wreckages Ghost" et la pièce-titre sont superbes, "Hunting The Human" et son refrain anecdotique est très entraînante) tendent à s'estomper. Subtile sensation désagréable qui apparaît sur "Curse Of Gypsy", mais pas abominable, WINTERHORDE sait comment garder le poisson accroché même s'il ne tire plus aussi fort. "Tenth Wave" et "Farewell" sauvent du naufrage.

Et là, en lisant que la formation est israélienne, le réflexe automatique est de se demander si l'« ethnicité » du sextette transparaît. Eh bien… Disons simplement qu'à part une guitare sèche, il n'y a rien de bien sablonneux à l'horizon ; en clair, impossible de deviner la provenance de WINTERHORDE en écoutant ce skeud. Les guitares aériennes pourraient être nées en Suède, les passages atmos au synthé de Pologne, l'excellent chant caméléon d'Horeph et les chœurs guerriers (ceux d'"Execution" sont particulièrement réussis) de Norvège… Non, donnons-lui cela, le combo évite les clichés et ça lui servira dans le futur.

"Underwatermoon" est un album fouillé (plus que "Nebula"), inspiré, sur lequel l'écriture rencontre parfaitement la composition. Il y a de quoi bouffer durant très longtemps, de quoi s'étonner ("Underwatermoon" et "Delirium", en tête de liste). La production de ce Black mélodique pas trop violent est aussi à la hauteur du talent des musiciens, V. Santura s'occupant des manettes. Du gros son pour une expérience multisensorielle mémorable.

Encore une preuve que le Black Sympho a le vent en poupe après avoir sombré quelques temps… et surtout, une preuve que les groupes métalliques des pays émergents se fondent désormais dans la masse sans qu'on les prenne par la main ou par pitié.

Un très bon album… Bien qu'un peu long.