Ainsi donc, voilà où mènent les pas du protégé de Thor, voilà où les pérégrinations d’AURVANDIL aboutissent : quelque part dans les nuées, les pieds ne touchant plus sol et le regard scrutant la voûte céleste. Partie sur la base d’un Black/punk défoulatoire plus complaisamment spontané que sainement intuitif, la sensibilité du Rouennais s’épanouit ici dans une formule lui allant comme un gant : le BM atmosphérique. Or s’il s’agit bien d’une consécration, on ne saurait être tout à fait dithyrambique : certaines futilités continuent d’émailler un ensemble qui pourrait être encore meilleur. Mais rendons d’abord à César ce qui lui revient de droit et amorçons l’inventaire laudatif.

Le son, tout d’abord. Enregistré en semi-pro, cet EP d’environ trois quart d’heures jouit d’un mix optimal, et ce, sans jamais contrevenir à la crudité sonore, l’« hermétisme » inhérents au genre : en aucun cas la matière sonore déployée, tressée par des guitares plus que jamais solides ne recouvre, ni n’étouffe, la bonne expression de la basse, cette force minérale assurant la solidité du fond et suivant, véloce, ses fondamentales ; ni du propos soutenu de la batterie – d’une BAR parfaitement programmée, au mur de blasts-beats inébranlables, et humainement ardus à soutenir.

L’absence manifeste de compresseur et autres noise-gating hardcore visant à éclaircir le son, est tout à l’honneur d’AURVANDIL : n’est-ce donc pas à la démarche, à la frontalité d’un PAYSAGE D’HIVER que ce mur sonore, fouettant les joues et rougissant les oreilles, renvoie ? Les écrasants "Over The Seven Mountains", "Still He Walks", ne confirmeraient-ils pas l’analogie ? Avec des restrictions de taille, cependant : si l’impression de se retrouver dans une tempête de neige demeure, "Ferd" n’est nullement psychédélique (au sens allemand du terme, n'est pas Möckl qui veut), pas plus que le matériau Black Metal n’est pensé comme de l’ambiant à proprement parler. Tout au contraire, "Ferd" est et demeure rock, écrit à partir d’une solide base rythmique (en atteste le caractère éminemment catchy de certaines pièces), base à partir de laquelle s’articule un riffing implacable, traversé par intermittence de nappes constellant la voûte nocturne, au gré de compositions abouties s’étirant sur la longueur.

Et parlons-en, de la substance : la grande force de cette sortie tient précisément dans l’alliance de deux autres électrons libres, chacun dispensant périodiquement de leur savoir-faire, en parfaite résonnance avec l’orientation de l’EP. Et qui sont ces illustres contributeurs ? Des passants conséquents ! Bram d’IRRWISCH au violoncelle ouvrant et fermant le morceau phare, "Through Hordanes Land" et Grimspirit d’EVILFEAST aux claviers, aménageant ces trouées atmosphériques, un poil moins niaises qu’à l’accoutumée, et fort bien placées au cœur des 4 morceaux centraux.

Enrichi de cet apport, "Ferd" jouirait donc d’une garantie qualité inappréciable. Le conditionnel est traître. Car si l’ensemble vibre admirablement avec frénésie et conviction, sublimé par les fulgurances d’un lead au thème mélodique poignant et sans cesse reformulé (feeling typiquement AURVANDILIen), c’est sur l’insuffisante mise à partie de Bram que se portent mes scrupules. Un violoncelliste aussi talentueux dans un milieu pareil est un fait déjà assez rare en soi ; pourquoi donc le cantonner aux intro et outro d’un seul morceau ? Et puisque je me sens d’humeur au pinaillage inconsistant, mes réserves se porteront aussi sur la piste d’introduction, aux déliés acoustiques beaucoup trop répétitifs, "pauvres", et dont la longueur assez peu justifiée n’ajoute rien au propos.

Mais c’est fort peu de choses au regard de l’étonnement et de l’excellente surprise que cet EP réserve aux esprits libres, errants, et dont le seul et unique désir est de se soulever jusqu’aux étoiles, portés par l’harmonique.