C’est mieux. Non content d’extraire son BM d’une maternité Black/Punk à mon goût insuffisante, AURVANDIL, one-man-band rouennais et patron du label Cold Void Emanations, fait ici chambre commune avec DEAD AS DREAMS, dont le tout premier effort, à défaut d’une personnalité vraiment affirmée, sait mener un discours dans les règles de l’art. Depuis, j’ignore s’il reste quelques copies au label Tour de Garde, qui prit en charge la distribution.

Pourtant, et malgré une superbe cover signée Jeroen Putman*, la maigre pitance attendant le prospecteur peinera à lui faire surmonter le caractère résolument «anecdotique» d’une telle sortie (trente minutes, c’est fort peu). Ce terme n’est pas un reproche en soi ; car c’est dans les transitions les plus légères, dans ce qui se noue en silence et n’interpelle qu’après-coup, que l’anecdote se justifie au regard des actes futurs. Et vu le travail de qualité qu’AURVANDIL proposera sur l’EP "Ferd" un an plus tard, on saura où et quand le revirement s’est amorcé.

DEAD AS DREAMS. Dès les premières minutes (préalablement introduites par des chants religieux samplés), le préjugé qu’on se faisait fort de taire devient assourdissant. DEAD AS DREAMS, le groupe ci-présent ; et "Dead As Dreams", titre de l’album des ricains WEAKLING, splittés depuis 10 ans maintenant… et qu’avons-nous là ? Une allégeance si profonde, au point de côtoyer d’un peu trop près les rives de l’impersonnalité ? Car presque tout, dans "Cancerous Eulogy", renvoie comme en instance d’autorité supérieure à WEAKLING : les gémissements burzumiens, une densité du grain sonore en moins remplacée par un riffing norvégien à l’os exhibé, pour la constante d’une tonalité d’ensemble mi-épique mi-dépressive… bougez plus, levez les mains en l’air : on préfère l’original - même si tout cela est suffisamment bien mis en place, cohérent et varié dans l’écriture de ce morceau de 10 minutes pour emporter l’adhésion (et c’est déjà beaucoup pour une première démo). Le mix, globalement honorable, tend cependant à fluctuer quant à la batterie, pas toujours gérée de façon uniforme.

Sitôt "Cancerous Eulogy" achevée, c’est une singulière évolution qui nous frappe de plein fouet à l’écoute des morceaux d’AURVANDIL. Une constante de morceaux simples, mais construits cette fois-ci, et achevés. Une composition ne se centrant plus sur les mid-tempo concis, mais jouant bien la carte de l’étirement musical. Nous voilà donc confrontés à un BM atmosphérique audible, catchy as hell, pieds au plancher tout du long (si on peut parler d’une BAR en ces termes), aux guitares formant, au premier plan, un dense mur de glace. Raw mais proprement exécutés, de bons riffs émergent d’un ensemble frénétique, sublimés par l’adjonction spontanée de soli aux boucles imparables : oui, la glaciale "To Drift In Waterless Seas" est sans conteste LA piste tirant son épingle du jeu, dont l’intensité résolument DARKTHRONienne n’est pas pour me déplaire, loin de là : au contraire, si seulement des pistes aussi convaincantes pouvaient me passer plus souvent dans les oreilles en matière de raw black, peut-être ne serais-je ne pas en train de me lasser d’une scène pourrissante aux interminables plagiats.

"Adrift" donc, une étape honorable appelant consécration, de la part de deux groupes suffisamment talentueux pour proposer un Black Metal décent ; mais, pour le moment, juste décent. See you soon.


*celui-là même qui contribua aux excellents projets IRRWISH et WIDERGEIST, si ça c’est pas la classe.