Étrange, vraiment étrange qu'ENDLESS DISMAL MOAN n'ait pas franchement réussi à percer au sein de l'underground extrême. Un leader (et quasiment membre unique) suicidé, une origine originale (nippone) et une originalité vraie.

Sachant parfaitement que ma chronique ne sera guère lue (la singularité de la pochette ne pouvant contrecarrer une note désespérément médiane) et que je ne suis guère en mesure d'attiser le feu de la popularité de cet artiste unique, je m'en vais pourtant m'époumoner, le temps de quelques lignes et muni de deux, trois brindilles, en espérant allumer une minuscule flammèche chez un lecteur ou deux. Un objectif modeste mais suffisant. Car je l'admets, ENDLESS DISMAL MOAN ne conviendra pas à tous.

Mieux vaut alors tenter de cerner sa cible. Un bon client pour le Black, c'est indispensable. L'auditeur qui ne résume pas le genre aux dieux du panthéon et accepte de plonger en eaux très troubles. Un esprit sain capable de survivre à l'enfer dépressif. "Lord Of Nightmare" vit tout autant que son prédécesseur dans un maelström psychologique sombre, complexe, fascinant, lénifiant, perturbant.

Une oreille attentive aux sons industrialisants. Je n'oserais dire industriel par peur des critiques. Assurément, cet opus ne suit pas toutes les règles d'un genre qui aime aussi les contredire. Peut-être insuffisamment expérimental ou insuffisamment bruitiste, peut-être tout simplement trop porté sur le Metal et le Black, "Lord Of Nightmare" ne fait que flirter avec le monde impitoyable dessiné par THROBBING GRISTLE… (vous complèterez vous-même la liste). Un simple flirt mais un flirt fécond, agression sonore, guitares grimaçantes, rythme sourd et cadencé. Les rares qui auront écouté le premier album trouveront la soupe de langue moins baveuse, elle n'en conserve pas moins un maximum d'atouts bandulatoires.

Une volonté, une résistance au mal et à la souffrance, une endurance capable de subir la plus infâme monotonie. Comme tout bon dépressif, ENDLESS DISMAL MOAN joue sur la longueur, la langueur, l'hypnose. Comme tout bon maniaque, ENDLESS DISMAL MOAN se complaît dans l'insupportable sonore. Ecorché, lacéré, défiguré, le Black Metal devient torture mentale. Et les quelques moments de grâce (un piano fantomatique ici et là) ne portent évidemment que la marque de l'ironie du contraste.

Vient ensuite la description d'une galette dont trop peu ont dû entendre parler. Et là, il me devient impossible de ne pas me laisser aller à la facilité en paraphrasant ma précédente chronique du groupe (un one-man band plutôt). Mieux encore, guider le lecteur vers cette même chronique et éviter ainsi un exercice inutile de copier-coller. Tellement proche de son aîné, "Lord Of Nightmare" perd naturellement en capacité d'impact. Quand "Endless Dismal Moan" avait étonné de son atmosphère outrageusement personnelle (bien qu'on puisse n'y voir là qu'un nouvel appendice de tout ce que le Japon a engendré d'œuvres désaxées) et maladive, on fait ici face à une piqûre de rappel efficace mais riche de l'exact même liquide.

Enfin, ma chronique ne s'en porte finalement que mieux. Le message est précis. Plongez dans les ténèbres d'"Endless Dismal Moan", embrassez le malaise d'un premier essai cent fois transformé puis poursuivez le voyage insane avec "Lord Of Nightmare" si le cœur malade vous en dit.