Cultifié par certains, détesté par les autres, ignoré par beaucoup, THE MEADS OF ASPHODEL mérite qu'on se penche sur son cas. THE MEADS OF ASPHODEL, une sensation venue d'outre-manche déjà vieille de quelques années. Une sensation comme des centaines d'autres, Albion fille du rock et industrie du phénomène musical !
Alors depuis l'hexagone, on se méfie, trop hipe, trop glamour, trop staïl, le risque est grand de se voir refourguer un énième coup marketing bientôt balayé par le suivant. Et le risque s'accélère quand on s'aperçoit que l'artiste n'a jamais percé sur notre territoire. Une arnaque incapable par la brigade du bon goût en pleine Manche ? Pourtant, THE MEADS OF ASPHODEL résiste sur sa terre natale et découvert par beaucoup sur le split sorti avec MAYHEM en 2002, le groupe conserve son statut, continue son petit bonhomme de chemin en gardant ses adeptes tout près de lui.
On continue tout de même à se méfier, on compte les points et les blackeux british ayant percé. CRADLE OF FILTH, BAL SAGOTH, HECATE ENTHRONED, rien de bien folichon pour celui qui aime l'animal et le garage, du sirop et du clavier. A l'autre bout du spectre, ANAAL NATHRAKH, la finesse (ongle) incarnée. Tant pis, on sert les dents et on se lance dans le désert libyen de "Damascus Steel", on verra bien comment on termine de la traversée.

[…]

… Je traverse donc…

… Je continue à traverser… Putain, c'est long, fait chaud en plus.

… Ah, j'arrive au bout, on dirait.

… Mais quelle horreur !!!

Par où commencer l'analyse d'une galette toute décousue de fil blanc ? J'avais lu l'étiquette black, j'avais lu l'étiquette expérimentale, je me permets de tipp-exer le mensonge. "Damascus Steel" n'est pas black, malgré une voix qui respecte à peu près les codes du genre. "Damascus Steel" n'est pas expérimental, "Damascus Steel" est passablement bordélique, un amoncellement de délires sans queue ni tête et des atours étrangement psychédéliques.

Mais c'est génial, le psychédélique, non ? Et puis c'est tellement à la mode en ce moment, cet album est forcément une tuerie.

La niche est bien trouvée, oui. Il s'agit même du hit du moment. Tout le monde aujourd'hui a envie d'être psychédélique, et tout le monde a bien raison. Mais le psychédélique, est-ce le non-sens permanent ? Le psychédélique, est-ce l'incohérence totale ? Le psychédélique, est-ce le cirque à la maison ?

Il serait facile de moquer cette reprise de Louis Armstrong, déplacée, inintéressante, aux paroles grasses comme un paquebot. Mais elle tombe finalement plutôt pas mal pour nous faire retrouver l'équilibre après cinq premiers titres bien trop déstabilisants. On louera aussi un line-up capable de sauver l'artiste de la noyade. Mira Kawashima, M. SIGH, toujours à l'aise dans ses envolées au clavier (bien qu'il prenne parfois une place exagérément envahissante). La doublette HAWKWIND (le permanent Alan Davey et le valétudinaire Huw Lloyd Langton), une basse et une guitare qui groovent pépère et se reprennent eux-mêmes sur "Sword Of The East", véritable sommet biscornu d'un disque au relief malheureusement bien modeste.

"Damascus Steel", savant empilement d'incongruités et de bonnes idées étouffées par l'abus de substances prohibées et le manque de rangement. Des instruments du folklore arabe, un chant féminin diaphane, de longues montées enfumées, des enchaînements simplement rock, beaucoup de tentatives avant-gardistes qui terminent dans la fosse à purin, "Damascus Steel" est bien difficile à biter.
Je préfère exercer ma libido ailleurs, au revoir !