Tiens, un album d'Arjen Lucassen avec une gamine portant de grosses chaussures sur la pochette, kekcétidonc ?

Enfanté entre l'album de la consécration d'AYREON (Universal Migrator) et l'excellent concept-album de STAR ONE (Space Metal), cet AMBEON aurait pu facilement être comparé à un projet de nain dans le monde d'un créateur géant. Pas que l'album soit mauvais, loin de là, mais ce disque fut plutôt un simple passe-temps pour son illustre auteur qu'un album véritablement important dans sa déjà conséquente discographie… Le fait qu'il soit partiellement oublié aujourd'hui nous le confirme, et pourtant, il mérite qu'on lui consacre une oreille attentive (et même deux, soyons fous).

Revenons donc en arrière et abordons la genèse de cet étrange album.
Nous sommes alors en l'an 2000 et dans le petit monde du Metal Prog, AYREON a frappé un grand coup avec son ambitieux Universal Migrator. Toutefois, si ce double album a fait mouche, il le doit grandement à sa première partie The Dream Sequencer (vendue encore séparément à l'époque) qui savait alors marier à la perfection une musique planante et le Rock/Metal Prog d'AYREON dans sa version la plus aérienne et la moins violente… Mais l'ami Lucassen n'est pas du genre à s'endormir sur ses lauriers et il décida de pousser le bouchon un peu plus loin dans cette direction en proposant un album instrumental de musique Ambient, basée sur des mélodies provenant d'anciens titres d'AYREON :

"Estranged" : "Ye courtyard minstrel boy" (The Final Experiment)
"Ashes" : "Back on planet Earth" (Actual Fantasy)
"High" : "The shooting company of captain Frans B.Cocq" (The Dream Sequencer)
"Cold Metal" : "Into the black hole" (Flight Of The Migrator)
"Fate" : "Welcome to the new dimension" (Into The Electric Castle)
"Sick Ceremony" : "Magic ride" (The Final Experiment)
"Lost Message" : "Carried by the wind" (The Dream Sequencer)
"Surreal" : "And the druids turn to stone" (The Dream Sequencer)
"Sweet Little Brother" : "2084" (The Dream Sequencer)
"Dreamer" : "Computer eyes" (Actual Fantasy)

Alors sur le papier, son projet est simple : on revisite à la sauce Ambient dix titres de son répertoire, on invite une chanteuse sur un ou deux titres pour égayer le tout et on nomme le projet AMBEON, soit le mélange du genre AMBient et la musique d'ayrEON… Or pendant le casting de Universal Migrator, Arjen Lucassen fit la connaissance d'Astrid Van Der Veen, chanteuse néerlandaise de 14 ans qui malgré son jeune âge, allait tout bonnement l'épater, au point de lui confier l'entière réalisation des paroles de l'album. De ce fait, la jeune demoiselle transforma brillamment ce projet instrumental en un album de huit titres chantés pour seulement deux sans parole… Un magnifique tour de force de la part de cette jeune prodige.

Certes dans cette chronique, je n'aborde le coté musical que tardivement. Mais comprenez bien que pour tous les fans d'AYREON, à savoir la quasi-totalité des gens s'intéressant à cette chronique, nous évoluons ici en terrain connu. Ce disque peut même faire office d'une chasse au trésor sonore où le but serait d'y reconnaître les dix titres repris sur cette galette et d'y découvrir les nombreux ajouts et changements rythmiques qui la composent.
C'est ainsi que certains thèmes principaux vous seront immédiatement familiers et vous influenceront quant à la qualité du titre : en gros, plus vous aimez l'original, plus vous apprécierez sa copie… D'où les deux points négatifs majeurs de l'album à savoir un intérêt réduit et une originalité faible.

Mais comme je l'ai dit plus haut, cet album est bon… Très bon même. Outre la voix cristalline de sa jeune chanteuse, certaines de ces dix "reprises" restent suffisamment éloignées des originaux pour en faire (presque) des titres inédits. A ce petit jeu, "Cold Metal" et "Sweet Little Brother" sortent indéniablement du lot par un magnifique refrain sur le premier et une atmosphère sombre accentuée par des paroles proches de la schizophrénie sur le deuxième. Peu d'erreurs de casting donc et aucun titre faible à part peut-être un "Estranged" trop court et manquant un poil d'émotion et "Ashes", titre d'une extrême qualité mais qui officie légèrement hors sujet en reprenant l'ossature lourde de "Back on planet Earth" (Actual Fantasy) et ne ressemblant guère à un titre Ambient.

Et c'est bien là où le bât blesse car globalement, Arjen Lucassen a échoué dans son projet d'album Ambient. Outre son album instrumental qui n'en est plus un, l'apport du chant d'Astrid Van Der Veen en a transformé l'identité pour au final nous donner une sorte de The Dream Sequencer en un peu plus mélancolique et simple mais également moins ambitieux et sans surprise. Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir et profitons de ce très bon hors-d'œuvre made in Lucassen qui ne cessera jamais de faire des allers-retours sur la platine de ses heureux possesseurs (le disque étant difficilement trouvable et bien souvent onéreux) et qui au final n'avait pas d'autre but que de nous divertir… Et sur ce point là, l'album est un véritable succès.