Et moi qui pensais naïvement pouvoir faire mon trou chez NIME en commençant par chroniquer les quelques vieilleries délaissées par les cadors du site ! Comme ABATTOIR, par exemple, dont la courte discographie ne casse pas trois pattes à un canard. C’était méconnaître la particularité de celui qui barbote dans les eaux troubles du speed/thrash « old school ». Ni une ni deux, il retourna mon cartable de bizuth pour y prélever son dû. Magnanime au demeurant, il ne préempta que ce qui présentait, a priori, le plus grand intérêt.

Au moins, j’aurais appris à pondre des introductions minables dans le seul but de noircir quelques lignes et d’annoncer la brièveté de celles qui vont suivre. "The Only Safe Place" est en effet le premier album du groupe véritablement digne de ce nom. Officiellement présenté comme tel, "Vicious Attack" n’est en réalité qu’une démo. Les deux premiers titres, sortis à titre expérimental deux ans plus tôt ayant reçu un écho positif, Combat Records accepta de distribuer l’ensemble tel quel. Si le son n’est pas trop pourri, il draine quand même des mottes de terre caractéristiques d’une production garage à la bonne franquette (« roots » ou « raw », au choix). De quoi réjouir les amateurs de produits du terroir d’autant que le bazar atteint péniblement la mirifique durée de 27 minutes.

Les mêmes puristes objecteront, à raison, qu’il n’y a pas là matière à critique. Après tout, les petites livraisons Thrash du début des 80’s excèdent guère la demi-heure de jeu, et à l’instar des formations qui se mettent à pulluler dans le sillage de "Kill ‘em All", ABATTOIR réunit de sympathiques gamins fauchés comme les blés mais avec pléthore d’énergie à revendre. Emmenés, basse au clair, par un Mel Sanchez tout excité à l’idée de passer au révélateur METALLICA des influences NWOBHM à peine biberonnées, ils font exploser leur fougue juvénile et rafraîchissante sur le redoutable "Screams From The Grave". Riffs simples et mordants, rythmique agressive, soli méticuleux, chant énervé aux modulations criardes déjà bien maîtrisées s’amalgament en un mélange à réveiller les morts. Un titre qui dégage une sacrée patate et laisse effectivement espérer un avenir radieux.

La suite, par contre, n’est pas du même tonneau. L’impression est proche de celle laissée par l’écoute de "The Only Safe Place", découvert en premier. ABATTOIR serait-il un vilain récidiviste de l’attaque aussi fanfaronne qui précipitée ? On dira que non. L’infraction, ici, n’est pas constituée. Les compositions ne versent pas dans la piquette, loin de là. Elles se font plus légères, c’est certain. Moins denses, aussi. Moins expansives, en quelque sorte. De fait, elles ne retrouveront qu’épisodiquement l’intensité de l’entame. Les petits gars d’ABATTOIR ne ménagent pourtant pas leurs efforts pour transmettre un dynamisme de bon aloi, emblématique d’un Speed Metal naissant qui cherche encore ses marques et rappellerait celui de AGENT STEEL à ses débuts. Rien d’étonnant d’ailleurs, puisque deux des fondateurs de ce groupe, le chanteur John Cyriis et le guitariste Juan Garcia, étaient membres d’ABATTOIR en 1983. Le second serait ainsi à l’origine de toutes les parties guitares de "Vicious Attack", avant l’arrivée des deux autres guitaristes, seuls à être portés au line-up de 1985.

En tout état de cause, les solos sont parfaitement exécutés et les riffs savent quand il le faut se faire thrashy à souhait, notamment sur "The Enemy" ou bien encore "Don’t Walk Alone" dont le refrain percutant montre que Steve Gaines se démène lui aussi comme un beau diable, ou affermir des jolies lignes Anglaises sur lesquelles ondule par exemple "Vicious Attack". Le principal défaut est peut-être là. Dans la difficulté de transcender en permanence une base NWOBHM dont Mel Sanchez souligne pesamment la composante MOTÖRHEAD. Au-delà de l’inévitable, limite foireuse reprise de "Ace Of Spades" où le bassiste titille ostensiblement son instrument, les titres restent plaisants et passent d’une oreille à l’autre, manquant toutefois du tranchant nécessaire pour marquer les esprits au passage. Encore trop tendre, ABATTOIR ratera définitivement l’occasion de s’extraire du tout venant lors de l’album suivant, bien moins inspiré. Le départ de Juan Garcia a visiblement fait du mal, et le remplacement de Steve Gaines ne s’avèrera pas des plus judicieux.

Dépité, Mel Sanchez tentera par la suite de revenir à ses premiers émois, en postulant vainement à la succession de Cliff Burton, avant d’embarquer le guitariste Mark Caro dans le projet EVILDEAD. On se console comme on peut.

Note : un généreux 3/5.