J'ai longtemps couru après ATMAN. Pas facile de mettre la main sur un de leurs disques, à ces fichus Ibères de Barcelone. Puis un jour, ce fut le bon, et L'Assassi de Venus atterri dans ma platine. Depuis, j'ai réussi à choper les autres, mais je les ai trouvé bien fades, voire médiocres, et revendus aussitôt. Aussi je ne chronique que celui-ci car quelque chose de spécial ressort de ce quatrième album du trio espagnol (le batteur, de session, est celui de l'excellent groupe EMPTY). Amateurs de Black Metal mélodique, épique à l'ambiance unique, ATMAN va vous plaire !

Sorti en 2006 juste après une troisième release en 2005, l'obscur et underground ATMAN nous fabrique un Assassi de Venus à l'atmosphère étouffante, oppressante et profondément occulte – et malgré cela, c'est une galette franchement belle, carrément poétique à laquelle nous avons affaire. La formation, née en 1991 en jouant du Death Metal, rapidement passée au Black Metal (certainement l'effet DARKTHRONE), semble, enfin, avoir trouvé la bonne voie, car c'est une release mâture qu'ils nous ont concocté ici. Le concept de l'opus tourne autour de la Terre Sacrée et ancienne – celle des Anciens, celle d'avant les Hommes ou au temps des premiers. Ceux qui surent « faire le lien à la Terre », l'immortalisant sous la forme de la Venus nourricière – aujourd'hui assassinée... ATMAN dénonce la perte, le viol et le meurtre de celle-ci. Il y a ainsi quelque chose de transcendantal dans ces six longues tracks se déployant sur une durée de quarante-huit minutes trente. Quelque chose que ces garçons ont saisis et qu'ils veulent nous retransmettre... Leur dégoût de nos actions, de nos vies absurdes et détachées de la Nature a suffisamment alimenté leur Haine et les ont inspiré avec puissance. Nous voilà plongé dans la Nuit des Temps. Des images d'autres Eres me sautent aux yeux, celles des flammes du feu de camp, de la forêt alentour, du calme de la Nature silencieuse et de la Nuit magique...

Des sonorités à la DRUDKH, des airs d'ARCKANUM, une touche de Black Metal Suédois et Français (MÜTIILATION), une production organique et vaste (pas de brouillage radio donc), des vocaux réverbérés et saturés de haine, une batterie marteau-piqueur et des cordes fabuleuses aux sonorités intrigantes sont là quelques uns des ingrédients d'ATMAN. Le travail sur les ambiances, l'inspiration des guitaristes et l'extrême cohérence de l'ensemble rendent vraiment enthousiasmante l'écoute de la galette. L'esprit s'échappe dans un autre univers, à une autre époque. Outre le fait que ces Eres anciennes nous attirent, une certaine tension née de l'urgence régit les compositions, tenant en haleine l'auditeur qui se penche sur le full-lenght, ainsi qu'un vent épique où se mêlent tragique et mélancolie souffle avec ardeur sur les titres de ce joyau noir.

Le plus beaux des morceaux de l'Assassi de Venus tient certainement dans ce magnifique "Quan Lla Lunia Sent Nostalgia". Quand la lune est nostalgique (je traduis à vue de nez) est pesant de lourdeur nostalgique. Le didjeridoo (qui traine sur tout le disque) employé délicatement donne une profondeur, et un sentiment d'ancestralité de la musique, assez fascinant. L'utilisation de la guitare acoustique embellit les passages plus calmes. Et la voix démoniaque et rageuse achève de nous happer dans cette dimension perdue... Cette ante-pénultième piste vaut assurément son pesant d'or. Comme on le constatera dans le reste de L'Assassi de Venus, la profondeur manifeste de l'œuvre nécessite de nombreuses écoutes et un état d'esprit correspondant, ouvert et introspectif à la fois afin d'y plonger tout entier. Mais une fois immergé, quel délice... Une œuvre mystique, qui ne récolte pas la note maximale, car certaines influences se font à mon goût sentir légèrement alors qu'un réel désir de personnalisation transpire de la galette. Mais je chipote.