Lors de ma vérification consciencieuse des sorties d’albums de ce printemps 2008, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’un groupe officiait dans le black métal symphonique, genre peu fréquenté depuis la disparition regrettée des maîtres norvégiens d’Obtained Enslavement. Un coup d’œil à la biographie de Veneficium m’apprit que le groupe était canadien, qu’il existait depuis 1994 et que c’était seulement en 2008 que sortait son premier véritable album après deux démos, une en 1998 et l’autre en 2007 ! Le moins que l’on puisse dire c’est que ce De Occulta Philosophia a pris le temps de mûrir mais, à la décharge du groupe, l’héritage d’Obtained Enslavement est particulièrement difficile à recueillir, ce qui explique peut-être cette gestation décennale.

Comme on pouvait s’y attendre, les claviers sont omniprésents et ouvrent le premier titre « Introitus » de fort belle manière : l’influence classique est bien là et c’est à la composition d’un requiem black metal que Veneficium s’est attelé. C’est très émouvant comme d’habitude, avec des accords qui visent directement le cœur, parfois simplement mélancoliques ou carrément désespérés. Les Canadiens possèdent une écriture élégante et puissamment évocatrice qui suscite un flot d’images enténébrées, et toujours cette impression dominante que « tout est perdu », ou plutôt que le combat qu’il nous est proposé de mener est perdu d’avance ; sentiment déjà relevé à propos d’Obtained Enslavement. Les Norvégiens inspirent d’ailleurs articulations, orchestrations et tonalité générale de l’œuvre, avec parfois quelques accords tirés de Limbonic Art (Moon in the Scorpio) ou des enchainements à la Arcturus (Aspera hiems symfonia).

De Occulta Philosophia paraît quand même un peu plus étiré, les morceaux traînent souvent en longueur et ne parviennent pas immédiatement à se singulariser les uns des autres. Les synthés, toujours tapis dans l’ombre sous des formes différentes, finissent par être un peu étouffants : la batterie et le chant sont mixés de manière un peu lointaine et ne parviennent pas à dynamiser un CD dont on a l’impression qu’il est constitué d’une seule et unique piste. Claviers qui ont par ailleurs un côté un peu flonflon et semblent décalqués d’un titre à un autre ; en outre les sons choisis ne sont pas toujours très heureux.

Veneficium ne donne pas toutes les clefs de son univers : De Occulta Philosophia semble le résultat d’une introspection douloureuse, insuffisamment tournée vers le partage avec des auditeurs. La solution serait sans doute de raccourcir les titres (7 minutes en moyenne !), d’alléger les synthés et de tenter une approche un peu plus emportée, plus respectueuse de l’alchimie classique du black entre moments intenses et apaisés (les plus réussis de ce point de vue étant sans doute « Consecratio » et « Epitathium »).

Après, on peut apprécier de se laisser flotter indolemment sur cette mer de riffs nébuleux et de claviers lénifiants. En outre, la richesse des compositions, l’important travail de mise en cohérence et surtout l’absence quasi-total de groupe œuvrant dans cette mouvance m’incitent quand même à vous conseiller vivement l’achat de cette galette.

3,5/5