Lorsque je mis la main sur le premier EP d’un groupe portant le nom quelque peu modifié d’un avion allemand de la Seconde Guerre Mondiale, je décidai derechef d’aborder l’objet avec prudence. J’enfilai par conséquent mon imper de détective afin de m’assurer que les trois individus cachés sous les pseudonymes équivoques de Herr Schmitt, Hauptman Hammer et Oberleutnant LS étaient bien recommandables… Et mes investigations portèrent leur fruit, puisque je pus les identifier formellement comme étant des musiciens bien connus des services de Nightfall, à savoir respectivement Blasphemer (MAYHEM), Hellhammer (idem), et Lrz (RED HARVEST). Au début de l’enquête, je tenais déjà une piste sérieuse : le trio de Norvégiens, virtuoses de la brutalité dans les domaines du black et de l’indus metal, fomentaient un side project à surveiller de près.

Mais l’identification des suspects ne répondait pas à la question épineuse du mobile : que signifiaient ces références douteuses ? Le trio agissait-il pour le compte d’un groupuscule aux idéologies aussi éculées que nauséabondes ? Des éclaircissements rassurants me vinrent de la lecture d’un interrogatoire de routine adressé au fameux Herr Schmitt. Il y clamait son innocence, et ses justifications semblaient hors de tout soupçon : ledit EP n’était qu’un concept provocateur narrant la montée en puissance d’un terrible dictateur qu’il comparait davantage à l’omniprésent Big Brother de George Orwell qu’au tristement célèbre Führer. Apaisée par cette déclaration indubitable, je pus sans complexe poursuivre mon investigation par l’étude de la principale pièce à conviction : le disque lui-même.

Extraits choisis du dossier : « Une sirène d’alarme retentit, au milieu des bombardements et des mitraillages intempestifs. Une voix hargneuse s’élève au-dessus du vacarme ambiant, et harangue la foule effarée dans la langue de Goethe. Soudain, une explosion se fait entendre, provenant d’une batterie (de missiles ?) terriblement affûtée. Il semble s’agir d’une frappe chirurgicale tant la précision et l’intensité des salves est minutieusement calculée. C’est au même moment que choisissent d’attaquer des riffs belliqueux à l’efficacité imparable, baignant de sang et de viscères la place désormais encerclée. Le tyran, qui mène les opérations, crache alors sa haine incommensurable dans les haut-parleurs de la ville, qu’il aura suffit de cinq minutes pour conquérir […] » Ce fragment du dossier est accompagné de trois autres récits du même genre, effrayants de violence et de vélocité martiales…

Il est à noter que l’enregistrement décrit ci-dessus est extrêmement propre et soigné, si bien qu’il ne serait pas permis de douter de l’authenticité des faits si l’on ne s’était assuré de l’alibi des trois compères : au moment supposé des évènements, ils étaient en studio !

Il fallut me rendre à l’évidence : je n’avais pas en ma possession de preuve permettant d’inculper les suspects pour « nostalgie malsaine » ou « tentative de coup d’état ». Par contre, je détenais un excellent EP de metal industriel à la croisée entre sauvagerie et angoisse ; un concentré de férocité et d’ambiances guerrières qui laissait entrevoir avec précision la réalité d’un Blitzkrieg du nouveau millénaire.

Et le dossier est loin d’être classé puisque MEZZERSCHMITT a déjà revendiqué la conception d’un album, un vrai, dont la sortie est guettée de près par mes indics… On l’attend d’oreilles fermes !