Cherchant certainement à "approfondir de nouveaux horizons musicaux" comme on s'autorise à dire dans les milieux autorisés, l'ex-leader d'EMPYRIUM Schwadorf est allé voir ailleurs s'il y était. Il monte son projet "The Vision Bleak" avec Allen Konstanz et ce qui surprend (comme toujours la première fois), c'est que ce groupe n'a vraiment rien à voir avec EMPYRIUM. Il délaisse calme, solitude et folklore pour un style bien plus classique se rapprochant d'un metal à tendance gothique qu'un MOONSPELL première période n'aurait peut-être pas renié.

Et même pour ce premier album, The Vision Bleak abat ses atouts: "The Deathship..." tournera uniquement autour du thème de l'horreur et du fantastique, principalement au niveau des textes évidemment. Loups-garous et Frankenstein, récits de H.P. Lovecraft ou encore films de John Carpenter, Fritz Lang (Metropolis) et Friedrich Murnau (Nosferatu), on nous propose un large panel sur le thème de l'épouvante classique, qui agit plus sur les ambiances que sur le déballage ridicule d'hémoglobine. A cette subtile métaphore vous aurez peut-être souligné que la musique de The Vision Bleak use de beaucoup d'arrangements et d'effets, mais ne tient pas un rythme effréné et brutal. Je suis assez content de ma métaphore tout de même.

Un bon vieux piano joué dans une immense baraque isolée (désolé pour le cliché), une batterie un poil statique mais efficace -donnant un rendu industriel et répétitif évoquant la démence-, des guitares puissantes et accrocheuses créant des mélodies touchantes. Rien de neuf! Oui, rien de neuf...Et pourtant Schwadorf est un artiste suffisamment talentueux pour côtoyer les grands groupes de metal gothique.

Bien qu'ancré sur un thème, "The Deathship" est très varié, au niveau des rythmes, des structures et du chant. A tel point que seuls deux morceaux pourraient être à peu près équivalents: "The Night Of The Living Dead" et "The Grand Devilry". Le chant se retrouve souvent différent d'un titre à l'autre: assez orgueilleux et efficace ici, il est plus mystique là. On implémente même des vocaux féminins du même tonneau, et deux-trois vocaux abyssaux et stridents en fin d'album. Chaque compo crée l'ambiance propre au sujet: un peu kitsch pour "The Night Of The Living dead"; rythme ultra-lourd et froid pour "Metropolis"; ambiance glaciale pour "Horror of Antarctica". Un vrai plaisir de jongler entre ces différentes impressions, toutes régies par un côté mystérieux et angoissant dans la musique. En eux-mêmes les morceaux ont fait l'objet de beaucoup de travail: des tas d'arrangements et de détails agrémentent des mélodies accrocheuses qui ont toutes un dénominateur commun: des refrains groovy à chantonner. Et du moment que ça fait taper du pied...

Bien au-delà, "Elizabeth Dane" joue sur l'instrumental, quant à "Deathship Symphony"; on assiste à un mélange expérimental et progressif de styles, notamment en incluant un départ très thrash et un final agressif. Les synthés n'ont pas toujours une place très bienvenue, mais dans l'ensemble dépeignent soit la grandiloquence soit le mystère, et sont toujours présents. Les mélodies, les riffs, ne sont pas d'une incroyable originalité ni technicité, mais il faut admettre qu'on peut reprendre le flambeau sans perpétuellement réinventer le style, et plaire. Une dose de savoir-faire. OK. Une dose d'entrain. OK. Un concept mené à bout et bien retranscrit. OK. En plus ça se permet de bien jouer et d'avoir un bon son. Une séance de théâtre très agréable.