Fidèles à leur réputation vile et sans concession, les Finlandais de MARRAS ont le diable en eux, l’esprit démoniaque chevillé au corps, et, sans chercher trop loin dans la réflexion, leur statut d’infréquentabilité n’est clairement pas volé. Il est certain qu’une partie des membres du groupe sont volontiers adorateurs des pires absolues immondices de l’histoire et qu’ils s’en amusent pour y déposer à leur tour une dose continue de fiel et instiller un peu plus d’acide fluorhydrique sur les plaies du monde. Croyez-vous que le Black Metal n’engendre plus de bêtes féroces ? Pensez-vous que la Finlande est ce pays délicat, prompt à la seule contemplation placide ? Heureusement que non.

Plus j’écoute du Black Metal et moins je lui pardonne ses faiblesses et ses orientations parfois maladroites et niaises. Pour autant, si ce style se perpétue, c’est qu’il a su et sait encore évoluer et se recréer en une myriade de sous-genres, parfois non catégorisables, allant certainement dans des directions intéressantes. Mais l’infréquentabilité, les discours extrêmes et la profusion à l’excès de la haine et de l’agression sont l’ADN de ce genre, ne l’oubliez pas, vous, mes très chers agneaux en pâture qui souhaitez tant en faire un style libéré de tout danger. Vous pouvez bêler, interdire, tenter de l’abîmer, une majorité ne tremblera pas et vous répondra en enfantant depuis les enfers les pires de vos cauchemars. Plus vous attaquerez le Black Metal, mes chers agneaux, plus il vous mordra. Œil pour œil, dent pour dent. Personne ne réécrira l’histoire, personne ne la fera chuter.

MARRAS est du côté d’une certaine barrière, dirai-je. Sa férocité, sa promptitude à prendre plaisir à vous déchiqueter les chairs et à vous corrompre les tympans sont à nouveau réunies en ce second album. Le premier méfait "Where Light Comes To Die" nous cuisait déjà la cervelle de son feu ardent, voilà qu’à peine deux ans plus tard, les Finlandais ont décidé de nous reprendre à la gorge en nous l’enserrant puissamment. "Endtime Sermon" est cette suite logique qui se révèle pourtant sous un ciel différent. Plus sombre, plus chargé en nihilisme mais aussi plus abouti et intense, ce second album est davantage émotionnellement chargé et décline une mélodicité plus fine et habitée. Au milieu d’une nature moribonde, les Finlandais de MARRAS nous proposent des titres profondément enracinés dans la véhémence, hargneux au possible et possédés par la folie.

"From The Last Battleground", avec ses claviers ensorcelants, nous laisse dans des vertiges saisissants que les vocaux criards, déchirés, ou d’une tonalité plus rauque caractéristique de H, attaquent avec force. Les « quatre prophéties » de l’album nous permettent d’atténuer temporairement les assauts des titres purement Black Metal, bien que leurs tonalités restent dérangeantes et oppressantes. Mention spéciale à la pièce mélancolique et furieuse "My Cold Grave", qui nous fouette de son grésil irascible, de son désespoir lucide, de sa haine patentée. Son passage quasi-atmosphérique et acoustique débutant vers les 2:25 est bien la preuve qu’entre deux tempêtes de riffs frénétiques, MARRAS sort son autre jeu : celui de l’envoûtement. Mention aussi à l’incroyable (je m’excuse par avance de ce superlatif, mais appelons un diable un diable) titre "From The Soot Of Goahti", qui, tout du long de ces huit minutes, nous enivre totalement (ndlr : pour information, la Goahti est la tente traditionnelle anciennement utilisée par le peuple Sami). Les claviers majestueux vont avoir une place prépondérante sur ce titre bien plus pondéré en termes de rythme et d’agressivité. La mélancolie, la nostalgie y traînent leur univers pour conclure dans la douleur ce disque des ténèbres et du froid.

Après deux si bons albums, j’attends avec une impatience non retenue le prochain album… qui se fait attendre. Le split récent avec AETHYRICK nous donne peut-être quelques pistes supplémentaires sur le prochain opus. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que les Finlandais n’ont point perdu de leur superbe et de leur acrimonie impériale. Je maintiens mon regard vers l’horizon donc et me console sans remords avec ce "Endtime Sermon" de folie.