À peine extirpé de mille écoutes de la discographie de EPHELES, me voilà replongé dans un univers tout aussi glacial et glaçant conduit par l’homme de tous les projets : le bien-nommé Déhà. Comptant actuellement autant de groupes ou de collaborations que de jours dans l’année, ce mélomane averti de l’extrême s’est acoquiné avec d’autres acteurs tout aussi talentueux et malfaisants notamment l’Argentin Dany Tee de LOS MALES DEL MUNDO (dont je vous promets la chronique de son unique album foudroyant "Descent Towards Death" sorti en 2021) aux vocaux sataniques mais aussi le batteur américain de MARE COGNITUM, Jacob Buczarski.

Et là avec ACATHEXIS nous avons le droit à un Black Metal Mélodique de l’extrême tant les ténèbres et le désespoir semblent s’être ligués pour vous arracher simultanément les larmes et la joue. Et si je vous parlais de EPHELES en début de chronique c’est que d’emblée nous retrouvons dans ce second album de ACATHEXIS, cette bise congelée et mortelle qui vous gifle, vous effraie et vous fige dès les premières secondes. L’épouvante du timbre d’orfraie de Dany qui avait déjà fait des ravages sur les riffs sludgy – souvenez-vous en - de LOS MALES DEL MUNDO, fait ici un carnage tant il s’allie absolument avec le riffing hyper dark des guitares et la cavalcade effrénée et impeccable de Jacob. Ce rendu exceptionnellement froid et agressif me fait indubitablement penser aux travaux du tout aussi fourmillant Esoterica, avec notamment le projet RINGARË, dont je vous ai parlé quelque part sur ces pages, le symphonique en moins. Car, ce qui nous cloue à l’écoute de ACATHEXIS, est bien ce sentiment ténébreux qui se perçoit de toutes parts.

C’est toujours ce concept impalpable d’ambiance qui fait la différence et démontre que lorsque certains disques montent directement à l’échafaud, d’autres – quant à eux – tutoient et/ou empruntent les marches du ciel pour rejoindre le firmament. Quatre longs titres (au-delà des dix minutes) composent "Immerse" et au moins trois d’entre eux sont implacablement étoilés de mélodies superbes, de leads à vous ouvrir le cœur en deux. Seul "A Slow, Weary Wind" me paraît un peu en-dessous et montre quelques signes de lassitude de temps à autre malgré quelques passages bien chiadés. Les trois autres, exempts de défauts caractérisés, surprennent l’oreille tant leur vélocité et leurs mélodies assassines sont parfaitement inspirées et composées. Mention spéciale au second titre, "Adrift In Endless Tides" qui meurtrit un peu plus encore ce "Immerse" de son Black Metal luciférien et son envoûtement permanent. Dany tue le game tant sa voix répond aux ordres de l’infernalité de cette musique, à son esprit polaire et ultra-mélodique de surcroît. De temps à autre, ses screams très caractéristiques me font remonter les lointains souvenirs des premiers HECATE ENTHRONED…

Il y a dans ce projet puissant de très belles fulgurances, et, malgré le nombre d’écoutes, aucune lassitude ne se fait sentir. La durée des titres importe peu puisque la variété au sein de chaque titre est tout à fait maitrisée. L’architecture globale de "Immerse" est assez époustouflante et envoie la concurrence au tapis. L’esprit malsain de cet album renforce cette impression infernale et infecte d’écouter un disque total que Mefisto pourrait avoir la délicatesse ou l’effrénée envie de qualifier d’Impérial. Et il n’aurait pas tort le bougre. Mais, même si ce n’est pas l’ultra-brutalité ou l'infréquentabilité qui sont au premier plan, il y a bien une dose extrême de givre qui sort des guitares, de leurs mélodies tenaces et voraces, et du chant habité de Dany. Il n’y a rien à dire, ce trio s’est parfaitement trouvé pour mettre en œuvre ses compétences techniques et leurs inspirations démesurées. Alors continuez à faire le Mal je vous prie car nous, pauvres clochards, nous aimons l’Enfer.