Les Finlandais de SILVER BULLET nous avaient fait forte impression avec leur second effort studio "Mooncult" sorti en 2019. Fort d’un Power Metal grandiloquent, alambiqué, véloce et presque thrashy par endroits pouvant même rappeler quelque peu les Allemands de BLIND GUARDIAN, "Mooncult" possédait tous les bons ingrédients, ambiances et éléments orchestraux en prime, pour devenir un des meilleurs disques de 2019 dans le genre. Revoici donc SILVER BULLET en 2023 avec "Shadowfall" un troisième effort studio plutôt bien troussé mais quelque peu décevant par rapport à tout le potentiel entraperçu sur son prédécesseur. Explications ci-dessous.

Premier élément, Nils Nordling le chanteur en place dans le groupe depuis sept années (et donc deux albums à la clé) a quitté le navire scandinave. La raison de son départ ? Un état dépressif dû à de la démotivation (renforcée par l’annulation d’une tournée à cause du covid), à la fatigue et à l’investissement important demandé, le contraignant donc à arrêter l’aventure SILVER BULLET. Son remplaçant est uruguayen et se nomme Bruno Proveschi et force est de constater que le bonhomme a plutôt une assez belle voix (bien que quelque peu nasillarde et manquant quelque peu d’épaisseur, de puissance), mélodieuse mais particulièrement 'polissée' (presque trop propre au final) contrairement à celle de son prédécesseur plus brute, plus incisive et sans nul doute plus authentique aussi. Et bien évidemment, ce changement a eu un impact significatif sur les nouvelles compositions qui, sans démériter, n’ont assurément pas le même allant et la même ardeur que celles qui figuraient sur "Mooncult".

Et même si les nouveaux morceaux gardent un semblant de "Mooncult" notamment au niveau des caractéristiques, je parle bien sur de cette grande vélocité que l’on retrouve quand même mais plus rarement ici (on pensera en premier lieu à "A Shadow Of A Curse" et à "Soul Reaver", sa rythmique et ses attaques de guitare à la BLIND GUARDIAN, lesquelles font assurément bien le taf), de cette aura symphonique toujours bien présente (l’introduction presque cinématographique qu’est "Ouverture To Armageddon" plante d’entrée le décor) avec ces chœurs opératiques relativement puissants qui enjolivent - sans exagération - les compositions (les très mélodieux "The Ones To Fall" et "Falling Down"), de ces mêmes gimmicks presque orchestraux sans oublier également les très belles parties de guitare démontrant là même que la paire Hannes Horma (ex-TURISAS) / Henri Asikainen est toujours au top niveau ("Soul Reaver", "Nighthunter") quand bien même elle délivre davantage de 'gentils' soli et déploie de jolies mélodies, on ne peut s’empêcher de regretter le coté ambitieux et l’aspect plus brut et quelque peu foufou des compositions de "Mooncult" lesquelles nous surprenaient davantage.

Je pense que l’arrivée de Bruno Proveschi derrière le micro y est bien évidemment pour quelque chose même si SILVER BULLET avait déjà peut-être dans un coin de la tête l’idée d’adoucir un peu le propos et produire quelque chose de plus accessible et mélodieux. En tout état de cause, la nouvelle voix de Bruno a probablement contraint les Finlandais à réviser quelque peu leur copie sans toutefois changer du tout au tout. Bilan ? L’aspect de leurs compositions se veut donc incontestablement plus lisse, plus mélodieux pour ne pas dire même doucereux si l’on s’en tient à la très jolie ballade quasi acoustique toute délicate qu’est "... And Then Comes Oblivion" (quelques violons s’y font également entendre). Idem pour les mid-tempos qui garnissent allègrement "Shadowfall", on pensera bien évidemment à "The Ones To Fall" qui dégage tout de même une belle impression avec sa rythmique musclée, ses chœurs et son refrain accrocheur, ou bien encore à "Creatures Of The Night" un brin ennuyant et convenu celui-là malgré de belles parties mélodiques. Et même lorsque SILVER BULLET s’efforce de rester un brin pêchu, fort de riffs ultra Heavy et d’une rythmique là encore vigoureuse (double pédale à l’appui), le morceau retombe quelque peu comme un soufflé en un Heavy mélodique certes sympathique et accrocheur mais malheureusement trop conventionnel ("Nighthunter"). Dommage !

Fort heureusement SILVER BULLET en garde sous la pédale et nous délivre en fin d’album deux titres un poil plus ambitieux, avec un "Dusk Of Dawn" nuancé et presque théâtral, mid-tempo lancinant avec la présence de jolis chœurs, un refrain grandiose et surtout un break particulièrement bien amené avec une accélération rythmique du plus bel effet, et "The Thirteen Nails" qui du long de ses presque 7 minutes présente un travail très soigné que ça soit dans la construction, les fluctuations de tempo, les ambiances avec une nouvelle fois des chœurs opératiques grandioses qui confèrent au titre une dimension presque épique.

Bien évidemment, et si l’on s’en tient à la musicalité des compositions, soit la qualité des arrangements (chœurs/éléments orchestraux), des soli guitares et mélodies, l’accroche des refrains, "Shadowfall" qui est doté d’une belle production, reste un album solide dans le genre, malgré le fait que l’ensemble apparaisse moins tranchant et plus convenu par rapport à un "Mooncult" qui de toute évidence était bien plus créatif et sortait un peu plus des sentiers battus. Ici, l’ensemble manque véritablement de caractère et sonne comme du déjà-entendu (les trop classiques "Falling Down", "Creatures Of The Night") ce qui en est presque gênant. Étonnamment, j'ai beaucoup pensé aux Français de DARKTRIBE et son "Voici L'Homme" à l'écoute de "Shadowfall" (refrains, mélodies toussa…). Personnellement, j’attendais beaucoup plus de la part des Finlandais, surtout après un album de la trempe de "Mooncult".

Morceau préféré : "Soul Reaver", "Shadow Of A Curse", "Dusk Of Dawn", "The Thirteen Nails".

Note : 3,5/5 arrondi à 3.