« Cher Papa Metal,

J’ai bien conscience de t’avoir un peu enquiquiné lors de ma précédente missive pendant tes congés, mais là, normalement, tu dois être en train de taffer, alors tu vois, je ne pense pas te déranger outre-mesure, quand bien même tu aurais d’autres chats à fouetter. En fait, j’ai un petit truc à te demander. Je cherche une petite nouveauté sympatoche pour partager avec nos bien-aimés, mais néanmoins pointilleux, lecteurs pour cette belle période de fêtes. Genre un truc adapté, tu vois. Mais bon, l’association entre Metal et Noël, ça ne coule pas de source, alors comme t’es du genre super calé, je m’en remets à toi.

D’avance merci, je te fais des bisous.
Kol »

« Mon p’tit Kol,

tu es décidément le roi des casse-burnes. Soit tu viens me saouler pendant mes vacances sur 70 000 tonnes de Metal, soit c’est quand je suis en pleine bourre, à vaguement tenter de coordonner une horde de lutins débiles, infoutus de gérer deux sous de logistique. Tu crois qu’avec la meute de chiards à contenter dans un temps aussi court, je n’ai que ça à foutre ? Ne serais-tu pas un peu con sur les bords ?
Bon, je te balance un truc vite fait, là. Je ne sais pas si c’est bien ou tout moisi, mais en tout cas, c’est adapté à ta situation. File donc m’écouter "The Black Nativity", le dernier A HILL TO DIE UPON.

Et fous-moi la paix maintenant, allez, du vent (d’hiver) !
Papa Metal »


Moi, je l’aime bien notre Papa Metal, même s’il est parfois un peu bougon. Ses goûts musicaux sont certes parfois questionnables, mais il a toujours le mot pour rire. En revanche, me refiler un groupe de Blackened Death, de Deathened Black ou de Death N'Black N'Roll, je ne sais plus trop (c’est pénible ces étiquettes, même nous on s’y perd, à part Positron), c’est un peu chelou pour Noël. Je ne demandais pas nécessairement du Tino ROSSI ou du Céline DION, mais bon, des Ricains de l’Illinois qui brûlent des églises déguisés en panda, tout en balançant des rillettes sur les murs après avoir sacrifié une chèvre, je ne vois pas bien le rapport avec le schmilblick de Noël, de premier abord. Mais puisqu’il faut paraît-il savoir passer au-delà de ses a priori, allons-y gaiement.

Première surprise, nos amis ont déjà quatre LP au compteur avant de nous partager ce nouvel opus. En creusant un peu au plus profond des limbes des internets, je m’aperçois que les frangins Cook, à l’origine de la formation en 2004, sont de fort pieuses personnes, revendiquant les thèmes bibliques dans leurs textes. Ils tentent néanmoins de se détacher de ce mouvement Christian Black Metal, qui, paraît-il, ne fait pas très sérieux (pas autant que le Deathcore, mais vous voyez le genre). En apprenant ça, je bloque quelque peu, je dois vous avouer, vénérés lecteurs. L’apposition Black et Chrétien, ma foi, je ne l’avais pas vue venir. Un peu comme si on proposait à une personne de confession juive de manger du porc kasher ou à un Père Noël de distribuer des flyers à des gamins pour un réveillon surprise au Pigallos… Wait… "Two words combined that can’t make sense", comme nous le grinçait assez justement l’ami Mustaine sur "Hangar 18". Mais ne nous arrêtons pas à cette étiquette, aussi absconse puisse-t-elle paraître. Après tout, la théâtralité des arts obscurs fait également partie de la promesse qui va avec. Amen.

A HILL TO DIE UPON tire donc sans doute son blase de la colline de Golgotha, sur laquelle Jesus (Christ, pas PIECE) aurait été crucifié et laissé pour mort par les Romains, à moins qu’il ne s’agisse d’une référence plus confidentielle à "La Colline Des Hommes Perdus" de Sidney Lumet, ma foi, je ne sais pas bien, malgré le faisceau des indices convergeant pour la première option). Ses disques précédents relèvent d’une certaine orthodoxie dans le genre prodigué, proches d’un BEHEMOTH débarrassé de son maniérisme Satanique, entre assauts Blacks dissonants et agression Death empruntant ici et là quelques traits thrashy, le tout dans un équilibre tout à fait respectable, merci à eux. En cela, "The Black Nativity" va paraître bien incongru aux fans du combo, car il évolue dans une sphère significativement différente de celle de ses prédécesseurs.

L’opus est en effet un album conçu autour de Noël (non, je n’affabule même pas), faisant part belle aux ambiances inspirées de la tradition musicale en la matière. En cela, ils intègrent notamment de nombreuses touches Folk, très marquées pour l’occasion, quand ils ne viennent pas carrément reprendre les thèmes mélodiques de "The House Of The Rising Sun" (The ANIMALS) sur "What Child Is This?", au demeurant plutôt réussie dans sa dimension processive.

Il faut simplement appréhender ce "The Black Nativity" comme un croisement quelque part entre le SATYRICON moderne, que certaines pistes évoquent sans hésitation possible, et le projet ME AND THAT MAN de Nergal (BEHEMOTH, tiens, comme on se retrouve…). A HILL TO DIE UPON se fait clairement plaisir sur ce coup-là et se montre particulièrement inspiré dans les morceaux les plus calmes, limite acoustiques ("Hymn To Marduk", avec une intervention surprenante de Karl Sanders de NILE). "Left Handed Wizard (My Eyes Look West)" se montre à ce titre particulièrement envoûtante, les chœurs harmonisés y étant pour beaucoup. Dans un registre mixte, entre continuité métallique et célébrations solennelles, la palme revient sans aucun doute à "We Three Kings", ténébreuse valse lancinante, pour le coup growlée, gentiment soutenue par une légère distorsion ponctuellement revenue en grâce et un léger tapis de double-pédale. Le moment fort de la galette, indubitablement.

Il faut bien reconnaître que ce sont les pistes les plus Folk qui s’en tirent le mieux, à l’exception de "Stille Nacht" dont le riff Black N'Roll fonctionne du tonnerre, le chant malade et abrasif venant apporter un contrepoids à cette douce nuit. Car pour ce qui est de l’enchaînement "Entre Le Bœuf", Punk mais futile, avec "Aug Lang Syne", qui ne fait que reprendre la comptine "Ce N’est Qu’un Au Revoir" sans même la twister proprement, je ne vois pas bien l’intérêt. A contrario, l’enivrante "Sacred Harp 133", qui fleure bon la campagne du Midwest avec son petit air de Banjo enjôleur, emportera tous les suffrages de par ses chœurs chiadés et les arrangements harmonisés du plus bel effet.

Bref, il y a vraiment beaucoup de tout et un peu de rien sur "The Black Nativity". C’est à la fois ce qui fait son charme sincère et sa principale limite. Mais quitte à choisir, pour accompagner la poularde farcie, entre les ritournelles de tonton Tino et cet essai un poil foutraque mais très sérieusement exécuté et si bien adapté aux circonstances, eh bien je vote sans coup férir pour A HILL TO DIE UPON, et ce, des deux mains. Les amateurs de graphisme ne manqueront pas au passage de relever la notable qualité de l’artwork, particulièrement léché malgré un sapin de Noël un peu cheapos au second regard. En revanche, n’allez pas vous imaginer une seule seconde que ce cinquième LP soit représentatif du reste de leur discographie, ce serait là une erreur Kolossale.

Note réelle : 3,5/5.

PS : à noter pour les fans de ROTTING CHRIST le joli petit featuring de Sakis Tolis sur "Hymn To Marduk II", quand bien même le titre en lui-même ne serait pas d’une immense utilité, j’en suis bien désolé.

PS2 : Joyeux Noël à tous !