Je te salue AM HIMMEL, grand inspirateur du Doomgaze, quand le roulis des riffs chahute une mer d’ordinaire calme, quand les tempêtes vengeresses et puissantes sèment le chaos des embruns, seras-tu là AM HIMMEL pour ordonner les éléments ? Lorsque les histoires des anciens quittent le navire de la pensée, quand nos vies, pauvres marins que nous sommes, perdent de leur sens, éclaireras-tu de ton nimbe, un ciel rempli de nuages orageux et inquiétants ? Dans ta brume mélodique électriquement éthérée conte-moi l’indicible des êtres, ordonne-leur d’avouer leurs méfaits.

Grand hypnotiseur, je te dirai tout. Je t’avouerai mes disgrâces et mes trahisons, je m’exécuterai à te décrire ma couardise, ma lâcheté, mes sentiments éhontés et poisseux, ma bile orgiaque. Tu n’auras qu’à décider et choisir ce que tu fais de ma sincérité. Laisse-moi te dire que je n’ai rien aimé ici-bas, que mes plaies sont ouvertes et qu’elles te sont offertes ainsi qu’aux infections. Toi qui es garni d’un sel atrabilaire, toi grand donneur d’ordres devant l’Éternel, laisse-moi ne plus fuir le destin, ne plus corrompre mon silence, ne plus peiner dans ma chute. Et toi tu ralentiras le temps, tu battras la mesure lentement, laissant la pesanteur s’installer et suffoquer, tes drones sibyllins courront dans les dunes du ciel, dans ces sommets nuageux, ces atmosphères gazeuses. De ta voix transperçante, de ton doigt perfide tu décideras de nous, de notre sort, de notre vie ou de son extinction.

"As Eternal As The Starless Kingdom Of Sorrow" est un concentré très URFAUSTien dans l’âme et dans l’air, acide et planant à la fois. Cet album est constitué uniquement de plages sonores stricto sensu. Ce sont des étendues sablonneuses balayées par les vents ultramarins sous des cieux que les rafales continues maintiennent tempétueux. Les minutes s’étalent et s’égrènent comme autant de drones poreux et perméables rentrant de manière insidieuse dans les chairs. C’est un Doom haineux, complètement halluciné et perverti qui, à l’instar de URFAUST, emboîte le pas à une scène Mi-Black Metal, mi-Shoegaze en toile de fond, vrillant l’oreille de beauté. Le son des guitares me fait l’effet d’une attaque de frelons, l’aspect sonore très bourdonnant file entre les doigts et électrise l’ambiance déjà messianique. AM HIMMEL est un conte aux multiples chapitres, à la manière d’un Edgar Allan Poe, chaque titre pourrait s’apparenter à une histoire fantastique à l’issue ténébreuse. Je rapproche cet album du très recommandable album de TRIST - "Hin-Fort", bien que celui-ci cavale très largement, il possède cette même aura post-apocalyptique et désenchantée. Les déclamations de JMKP, seul membre de AM HIMMEL (= dans le ciel) sont incantatoires et se noient dans le mur de reverb que les claviers potentialisent. L’aspect sonore n’est pas dissonant, les instruments semblent s’engluer les uns les autres et ce rendu magnifie la mélancolie sous-jacente, comme sur "The Virgin Wages Celestial War In The Seraphim Courts" ou bien encore dans l’enivrante piste introduisant l’album "Bleared By The Infinite Wing".

Il y a un côté post-moderne dans la musique de AM HIMMEL, l’écueil musical de l’après désenchantement humain - notons le sens des titres volontiers acerbe et malsain -, JMKP traduit parfaitement l’espoir de l’anéantissement, à l’instar d’un duo, tout aussi hollandais, URFAUST, qui dans son album épilogue : "Untergang", ferme le rideau et cloue la destinée humaine. Le parallèle n’est point scabreux, ces deux groupes peuvent se serrer les pinces, ils partagent le même royaume révoqué du monde des vivants.