Un puits de lumière céleste s’était frayé un chemin à travers la nébulosité qui entourait habituellement le donjon. De mémoire de chroniqueur, ce n’était jamais arrivé auparavant. Avouons cependant que du fond de nos cachots, même les sombres nuages n’étaient pas visibles, mais lors de nos sorties mensuelles, nous avions tout de même le droit de contempler brièvement la noirceur des cieux qui habillaient notre au-delà. Un frémissement dans l’équilibre fragile de notre communauté de scribouillards ? Quoiqu’il en soit, tout cela n’augurait rien de bon pour qui que ce soit dans le château. Et, pour sûr, ça allait foutre en rogne le Grand Maître du Metal. Et, chose encore plus certaine, quelqu’un allait prendre cher. Pour être honnête avec vous, chacun priait un peu pour que son voisin ramasse. La haute figure maléfique fit venir prestement Nostrum, son Gobelin en chef.

Littéralement catapulté à travers la fenêtre du repaire du Boss, la créature atterrit sur le crâne, fendant concomitamment le peu de dignité qui lui restait encore. "Mais qu’est-ce-que c’est encore que ce bordel ?" beugla le Grand Maître du Metal à l’encontre de son souffre-douleur de prédilection. "C’est sans doute la faute du petit nouveau, ô mon Prince, le jeune Storm. Vous voyez, à force de nous bassiner avec son Black dépressif, les hautes instances ont eu vent de notre existence et tentent une percée afin de rééquilibrer l’ordre des choses. La seule solution, à part abattre sommairement l’énergumène, ce qui serait dommage car il m’apparaît plus qu’en accord avec notre ligne éditoriale et surtout plus vif que les précédentes recrues, serait de montrer une certaine forme d’allégeance, afin de détourner leur attention sur d’autres royaumes, comme celui de MC Hip-hop par exemple." L’idée fourbe du gobelin trouva écho auprès du Taulier, qui le missionna pour accomplir cette tâche, elle-même bien évidemment déléguée à un quelconque sous-fifre. "Je n’ai qu’à filer cela à Kol. Il prend un peu trop ses aises celui-là avec son Metalcore moisi, ça ne me plaît pas des masses", considéra-t-il malgré ses évidentes carences en neurones.

Et voilà comment je me suis retrouvé avec la délicate mission de restaurer la balance mise à mal par mon facétieux mais néanmoins estimé collègue. Pour ce faire, je vous propose ce "Echo Chamber" de DENY THE FALLEN, qui coche à mon sens toutes les cases attendues dans le cadre de l’ambitieuse quête qui m’est confiée : partir d’un Heavy plutôt old-school pour le mettre au goût du jour, à grand renfort de production clinquante et conforme aux standards actuels, intégrant quelques (très légères) touches extrêmes ici et là à travers des rythmiques contemporaines et groovy à souhait ainsi qu’un chant qui tend à screamer ponctuellement sur quelques chœurs.

Autre point positif, l’origine du combo US, issu du monde du Christian Metal (non pas que cette notion ait une quelconque substance réelle à mes yeux, car présente dans de nombreux sous-genres), pour mieux envoyer le signe biblique attendu par l’immortel. Rey Parra (chanteur) et Jonathan Johnson (guitare) ont en effet affûté leurs armes au sein de SACRED WARRIOR, référence en la matière, prêchant la bonne parole auprès des païens depuis 1988, dans un style plutôt Power Prog. Autant dire que l’on n’a pas à faire à des débutants. Et cela s’entend franchement à l’écoute de l’album, fichtrement bien carrossé. En revanche, le duo du Kentucky a franchement fait évoluer sa musique en changeant de monture, faisant clairement évoluer son Power pour y insuffler une tout autre direction.

L’ensemble m’évoque fortement The DEAD DAISIES via une forme de Heavy Hard boosté, exécutée dans les règles de l’art, avec des ratiches un poil plus aiguisées que dans sa déclinaison classique. C’est propre, ça fait remuer le popotin, ça débloque quelques cervicales tout en restant ultra accessible. Comme évoqué, la section rythmique est ciselée au cordeau, balançant en permanence ce groove sous-jacent, à commencer par l’excellent title-track. Elle ne faiblit que peu au cours de cette grosse demi-heure de Metal moderne, incorporant toutes les tendances du moment (n’y-aurait-il pas des plans à la GOJIRA dans "Eye Of The Hurricane" ?), du chug à foison, de la double-pédale à dose homéopathique, une basse qui claque, quelques harmoniques, bref, la formule "salade-tomate-oignons-sauce blanche". Franchement, c’est un beau produit.

Il faut cependant reconnaître que les compositions sortent rarement des sentiers battus, et qu’il subsiste une forme d’incongruité à allier cette voix typiquement Heavy old-school à des sons aussi actuels. Les deux sont pour moi relativement antinomiques, attendant en vain le moment où Rey va s’énerver "pour de vrai". "Echo Chamber" manque également de hooks mémorables, de la lignée de ceux qui persistent lorsque silence se fait. Après, rien à dire, ça riffe sec ("If It Costs Me My Life"), ça descend le manche de façon très respectable et mélodieuse, on sent des musiciens qui savent ce qu’ils font et qui le font bien. On regrettera malgré tout la durée relativement restreinte du disque, d’autant que "Sing Along Song" (reprise de STRYPER, tout comme "Mission" est une cover de KING’S X) et l’outro instrumentale étaient parfaitement dispensables. Voilà qui aurait constitué un très bel EP pour finir l’été en mode indien, et trouver une forme de pieux salut à la reprise de la morne vie quotidienne.

Je tendis mon papier à Nostrum, qui leva les yeux au ciel avant de remonter apporter ma bafouille au Patron. Celui-ci n’eut pas le temps de finir sa lecture que les nuages se déchirèrent plus encore, le puits de lumière s’étant mué en cratère rutilant. Apparemment, mon initiative avait produit l’effet opposé à celui recherché, renforçant ainsi l’attention du vénérable Ancien. Le Grand Maître du Metal hurla à en faire frémir les murs suintant de la citadelle, puis descendit dans les souterrains m’infliger lui-même les pires sévices, signe de son fort mécontentement tant il délègue d’ordinaire ces obscures tâches à ses ténébreuses succubes. C’est ainsi perclus de douleurs que j’achève d’écrire ces quelques mots.

Note réelle : 2,5/5.