Recherche avancée       Liste groupes



      
BLACK METAL SYMPHO  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

2020 O Theos, O Basileus
 

- Membre : Ishtar
- Style + Membre : The Negation
 

 Bandcamp (237)

GRIFFON - O Theos, O Basileus (2020)
Par T-RAY le 31 Mai 2021          Consultée 3617 fois

2020 fut une année exceptionnelle pour le Black Metal. Il faut croire que l'isolement contraint et forcé infligé aux populations face à la pandémie de Covid-19 a inspiré les sombres pensées qui hantent les âmes de ceux qui en composent jusqu'à leur permettre de créer des œuvres magistrales. Et ce, dans à peu près tous les sous-genres de Metal Noir. Au sommet de la pyramide érigée chaque année en son honneur dans mon esprit conquis de longue date, trône désormais l'un des nombreux grands disques nés sur le sol français l'an passé. Cet ouvrage, c'est "ὸ θεός ὸ βασιλεύς" ("O Theos, o Basileus"), deuxième album des Parisiens de GRIFFON.

S'il figure si haut dans mon panthéon du Black millésimé 2020, c'est parce qu'il est l'un des rares albums à mettre en avant un concept qui, non seulement tient la route, mais avance en parfaite harmonie avec la musique qui le soutient. Je suis loin d'être le meilleur exégète de l'équipe de NIME, ce titre revenant incontestablement au docte Isaacruder, donc je ne saurai dignement extraire la substantifique moelle de l'œuvre… Force est simplement de constater que cette exploration en huit titres des rapports mutuellement opportunistes entretenus depuis toujours par le pouvoir politique et la religion (jusqu'au dévoiement, parfois, de la cause défendue au départ) est absolument captivante.

D'autant que GRIFFON déploie ici des trésors d'émotion pour nous emporter dans ledit concept. Et s'il faut écouter l'album avec les paroles sous les yeux pour en saisir toutes les subtilités, voire avec un dictionnaire de grec ancien sur les genoux et quelques notions bibliques pour décrypter "Δαμασκός (Damaskos)", il ne faut pas craindre par là d'y perdre en immersion. Parce que textes et compositions apportent tellement l'un à l'autre qu'ils offrent une nouvelle perspective sur le sens du mot "complémentaire". J'exagère ? Certainement, mais il est tellement difficile de ne pas succomber à la plupart des morceaux ici gravés.

Je parle de complémentarité et quel meilleur morceau que le fulgurant "L'Ost Capétien" pour l'illustrer ? Cette ode apparente à la gloire de Philippe Auguste, et à sa fondatrice victoire de Bouvines en 1214, révèle toute l'ambition impérialiste du souverain et sa volonté de draper son pouvoir dans un manteau divin. Mais ce qu'il y a de fort, c'est que même sans être royaliste ni même croyant, l'on succombe à son charme. GRIFFON parvient ici à exalter son auditoire comme s'il était lui-même lancé à bride abattue face aux troupes d'Otton IV du Saint-Empire et de ses alliés anglais et flamands. Tels la lance des cavaliers francs, les riffs en tremolo pourtant classiquement Black d'Antoine et de Sinaï transpercent qui les entend avec une puissance et un souffle dévastateurs. C'en devient même beau de grandiloquence lorsque les leads cèdent la place, comme une accalmie entre deux assauts, à des notes de cuivres solennelles puis que les orchestrations viennent soutenir l'ensemble du quintette pour l'attaque finale. Grandiose !

Si l'on peut qualifier le Black Metal de GRIFFON de symphonique sur ce deuxième longue-durée, c'est parce que ces fameuses orchestrations sont au rendez-vous régulier de presque chaque morceau, mais sans jamais étouffer aucun d'entre eux, même sur le court et mystique "... Et Praetera Nihil", pourtant intégralement sympho. Elles viennent enluminer, sublimer le travail de composition et s'avèrent tout à fait complémentaires, puisque c'est le mot-clef de cette chronique, avec le travail des guitares, de la batterie et d'une basse qui occupe ici une place particulière, parce qu'elle est audible, d'abord, mais surtout parce qu'elle mène parfois la danse.

Encore une fois, la formation parisienne n'a rien laissé au hasard et a d'ailleurs choisi une production claire et favorisé un mix équilibré, quoiqu'un tantinet en défaveur de la batterie, pour offrir un maximum de dynamisme à sa musique. Et ça fonctionne à mort ! Les huit compos de "Ὸ θεός ὸ βασιλεύς" disposent d'un potentiel de réécoute formidable car l'on ne s'ennuie jamais à les entendre. Car au détour de chaque titre, de chaque mesure, après chaque moment d'apaisement ou de fureur, un nouvel élément vient titiller l'oreille. Et permettre de se replonger corps et âme dans le concept de l'album.

Il faut dire que l'usage de la langue française aide bien à l'appréhension des deuxième, troisième et quatrième morceaux. Je n'en rajouterai pas sur "L'Ost Capétien", même s'il est mon titre favori de l'œuvre, car "Régicide" et, dans une moindre mesure, "Les Plaies Du Trône" sont très bons aussi. Le questionnement autour du meilleur régime politique - démocratie républicaine ou monarchie éclairée - qui agite le premier de ces deux titres, truffé de citations d'hommes politiques ou d'écrivains tels Mac Mahon, Gambetta ou Châteaubriant, est mis en musique de manière brillante et les éclats de voix Black rageurs d'Aharon n'en deviennent que plus percutants. La quatrième piste, coécrite avec Tedd de WYRMS, joue très peu la carte orchestrale et prend le temps nécessaire avant d'exploser - plus de quatre minutes - mais quand elle le fait, ça riffe et ça découpe sévère.

Globalement, GRIFFON ne compte pas sur sa célérité d'exécution pour emporter l'adhésion de son auditoire. Au contraire, il privilégie souvent les tempi moyens ou lents, quitte à mettre un coup d'accélérateur en cours de morceau. Un parti-pris qui peut étonner et détonne dans le monde du Black Metal, mais surtout qui détone, ici. Le quintette fait feu d'à peu près tout bois. "Δαμασκός" en est l'exemple parfait. Les vocaux, plus scandés que chantés, du moins lorsqu'il s'agit d'extraits du Livre, apportent une dose de dramaturgie bienvenus à un titre qui prend son envol définitivement quand Aharon y va de son chant écorché.

Sans jamais vraiment atteindre de hautes vitesses, ce "Damaskos" s'élève à des sommets d'intensité qui foutent les frissons, en particulier lorsque les arrangements symphoniques font leur entrée en scène et que leur succède un solo au long cours accrocheur en diable. Son pendant à l'autre bout du disque, "Apotheosis", joue lui aussi sur les atmosphères spirituelles, propres au recueillement et à l'introspection. Avec un motif de trois notes se répétant à fréquence régulière, GRIFFON installe une solennité certaine qui offre une vraie piste de décollage à ce morceau, permettant au disque d'atteindre l'apothéose promise.

Aussi sensés et pensés les textes de cet album soient-ils, au bout du compte, c'est de l'émotion pure qui se dégage de la musique qui les enrobe. Cette ultime compo en témoigne. Et quelle que soit la langue choisie, textes et lignes musicales avancent avec une belle harmonie. La réconciliation d'Aharon avec l'anglais est d'ailleurs bienvenue car, outre "Apotheosis", "Abomination" et "My Soul Is Among The Lions" bénéficient du dynamisme naturel de cette dernière et de sa musicalité. C'est sur ces deux derniers titres que GRIFFON nous offre ses plus belles accélérations après "L'Ost Capétien", avec des riffs aiguisés comme le mérite tout bon morceau de Black Metal, et ce, même si la formation francilienne y ménage ses effets.

À ce titre, le tempo de marche militaire sur lequel "My Soul Is Among The Lions" est lancé à mi-morceau constitue là encore une rampe de lancement idéale pour les élans électrico-symphoniques de GRIFFON. À mesure que la composition progresse, celle-ci révèle une majesté qu'on ne lui soupçonnait pas au départ et qui fait d'elle l'un des sommets de l'album, à mon sens. Lorsque les instruments électriques, les orchestrations et les chœurs se mêlent à l'approche du final, tout le tragique des paroles se trouve traduit en musique et se révèle absolument paroxystique. Si l'on peut reprocher à certains titres de ce deuxième album de GRIFFON une façon parfois artificielle de se conclure, à base de fade out peu subtils ou d'interruptions subites, ça n'est pas le cas de "My Soul Is Among The Lions" et ce dernier cumule à peu près tout ce qu'il y a de remarquable sur "Ὸ θεός ὸ βασιλεύς". Un adjectif qui convient au disque dans son ensemble.

A lire aussi en BLACK SYMPHONIQUE :


CRADLE OF FILTH
Hammer Of The Witches (2015)
Coups de marteau sur la tête des détracteurs !

(+ 2 kros-express)



DIABOLICAL MASQUERADE
Death's Design (2001)
B.o. black originale

(+ 1 kro-express)

Marquez et partagez






 
   T-RAY

 
  N/A



- Aharon (vocaux)
- Sinaï (guitare, vocaux additionnels)
- Antoine (guitare, vocaux additionnels)
- Dino Dieleman (basse)
- Kryos (batterie)


1. Δαμασκός
2. L'ost Capétien
3. Régicide
4. Les Plaies Du Trône
5. Abomination
6. My Soul Is Among The Lions
7. ...et Praetera Nihil
8. Apotheosis



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod