D’après ce que nous dit Throatruiner, être né au Pays Basque est l’explication la plus pertinente pour justifier THE RODEO IDIOT ENGINE. Au Pays Basque, on est entourés soit de terroristes indépendantistes soit de types qui tagguent les pancartes en langue française pour les réécrire en langue locale. Ou les deux. En tout cas THE RODEO IDIOT ENGINE est un groupe de là-bas, et donc forcément une des deux catégories. Vous voyez le tableau. Mais en même temps le Pays Basque, ça n’est pas non plus la Syrie, donc il faudrait peut-être davantage préciser ce qui s’est passé pour que "Fools Will Crush The Crown" voie le jour. A la limite, que ces gars soient devenus des psychopathes qui poignardent des poubelles m’aurait moins choqué que de découvrir ce qu’on pouvait faire d’un matériel amplifié. Chronique d’un tapage auditif.

Tapage auditif. Tu parles d’un euphémisme. C’est un massacre cet album. On croirait que THE RODEO IDIOT ENGINE a chopé plusieurs chiens dans la rue pour les torturer selon un agencement sonore impeccable. Litanie malsaine écrasée par un brusque retour à la violence anarchique, rapide complainte gangrénée par l’ardeur technique et passages salvateurs vite excusés par une pléthore de violentes ristournes mortifères et absurdes : THE RODEO IDIOT ENGINE combine tout cela, dans un maelström furieux de n’importe quoi et de maîtrise. La définition même du chaos contenu dans une bouteille.

Il n’y a tout simplement pas de répit avant "Past Acts", superbe morceau délicat et lourd, rappelant SHORA en plus noir. Dans "Fools Will Crush The Crown" il n’y a pas d’échappatoire, le principe est de manger pendant plus d’une demie-heure plus de mille riffs torturés et malades. Au cœur de toute cette rage, des éclairs de calme, qui ne reposent pas mais qui annoncent un bordel encore plus innommable (l’excellent passage déceptif de "Cup Of Tea ?" supposé amorcer un groove de l’enfer). "Fools Will Crush The Crown" n’a pas de début ni de fin, c’est un morceau-fleuve avec plusieurs étapes, et chacune est un réservoir à riffs à la structure bien trop complexe pour être perçue tout de suite.

C’est là que mon propos va s’arrêter sur le terme que je juge le plus adéquat pour qualifier le style de THE RODEO IDIOT ENGINE : Ionescore. Dans toute cette rage et cette folie impossible à apprivoiser, j’en suis venu à la conclusion que ces basques sont soit totalement bas du front et balancent une démarche technique et violente basique, ou ils sont géniaux et ils veulent créer une musique représentante du théâtre de l’absurde. Du Ionescore. Du non-sens total, en écho au monde qui nous entoure, et qui a pour seul but de rendre fou, dans une démarche jusqu’au-boutiste démente et magnifique. Mais à n’en pas douter, ils sont certainement fous. Écoutez "Last Breath", supportez la fin Noise de "2011 Vintage", tentez de comprendre tout ce qui se joue dans "Aorta", et revenez sereins de "Fools Have Taken The Nave", rare morceau qui soit dans un registre Post-Hardcore et non plus totalement Ionescore.

L’ombre au tableau dans "Fools Will Crush The Crown" est aussi son point fort : il est terriblement opaque et exigeant comme du Mallarmé. C’est du THE DILLINGER ESCAPE PLAN qui a bouffé du CONVERGE qui a bouffé du COMITY qui a bouffé du Grindcore qui a bouffé un paquet de larsens et une bonne pile de rage. Difficile à digérer donc, par son aspect foutraque assumé, mais aussi difficile de sortir un morceau précisément du lot, tant le tout est fait pour s’enchainer sans temps mort, jusqu’à l’usure. Ce que je salue avec respect dans leur premier album c’est la personnalité d’un groupe qui a de l’audace à revendre dans la scène, un parti pris pour l’absurde et le refus de la convenance mélodique et structurelle qui force mon admiration. Il est regrettable que tout cela se soit effacé dans un "Conséquences" bien plus convenu par la suite.