Il est, dans les hauteurs surplombant la ville de Martigny, au cœur du Valais fier et indomptable, un homme qui représente à lui seul toute la puissance du Metal des Alpes suisses. Son nom ? Stève Berclaz. Entrepreneur spécialisé dans la construction de chalets et de barrages, il n’hésite pas à faire tomber la chemise lorsqu’il empoigne sa basse au sein du désormais mythique groupe BLACK LION GENOCIDE aux côtés de ses frères (et sa sœur) d’armes afin de glorifier l’immortel drapeau aux treize étoiles. Fini de rire, le Metal valaisan est là, plus fort que METALLICA, plus destructeur que SLAYER ! Mais on me susurre dans l’oreillette qui la vérité serait toute autre… Que le groupe ne serait en réalité qu’une supercherie ?

La véritable identité de BLACK LION GENOCIDE est bien différente : né de l’imagination du duo d’humoristes vaudois Vincent Kucholl et Vincent Veillon (plus connu sous le nom de l’émission « 120 secondes » qu’ils animaient sur la station radio romande « Couleur 3 » jusqu’en 2014), le groupe n’est en réalité qu’une création à but humoristique. Rien à voir donc avec la prétendue légende au succès fulgurant vendue par les Valaisans (1).

Petite explication pour celles et ceux qui auraient le malheur de ne pas habiter ce beau pays qu’est la Suisse et qui n’auraient jamais entendu parler de « 120 secondes » (je vois tant de mains se lever que l’on se croirait à une Landsgemeinde) : ces deux humoristes animent depuis plusieurs années un programme de radio (aujourd’hui de télévision) consistant en une interview d’un faux invité de la rédaction, joué par Vincent Kucholl (2). Or il se trouve que les deux compères ont créé un personnage qui a connu un franc succès parmi les amateurs de leur émission : Stève Berclaz, stéréotype fier et buté de l’habitant du Valais (le principal canton alpin francophone de Suisse). Être métalleux leur semblait être un bon attribut pour un Valaisan (allez donc écouter du SAMAEL, ils sont du cru) ; l’idée est allée suffisamment loin pour qu’un EP de son groupe fictif voie le jour.

Parodie à la fois des poncifs du Metal et de l'opiniâtreté prêtée aux habitants du Valais, BLACK LION GENOCIDE est, selon les dires du Sieur Berclaz, « du Metal », du vrai, de l’authentique, sans fioriture. Le but de l’album est bien plus humoristique que musical : si les quatre compositions figurant sur le disque sont efficaces sans être originales pour deux sous, les textes, eux, font la part belle aux références au plus beau canton de la Confédération, son vin, sa philosophie, ses Imprez’ et, bien entendu, son aversion pour son voisin vaudois.

"Destroying Vertigo" tire sa force de son ancrage géographique revendiqué et de la dérision qui en est fait ; malheureusement, cela est également sa grande faiblesse. Hors des frontières de la Suisse romande il a peu de chances de faire mouche, tant il est vrai qu’il ne s’adresse définitivement pas à un public non-helvète. On peut y voir une opportunité pour ceux qui ignorent tout des vertus de l’abricotine de découvrir l’identité de l’un des cantons suisses les plus pittoresques, mais aussi un facteur d’exclusion dû à son humour très ciblé et peu compréhensible pour le non-initié.

Cet EP est un moment très rafraîchissant ; le genre de choses que l’on écoute comme un ULTRA VOMIT, pour se changer les idées. Musicalement peu intéressant, mais humoristiquement très plaisant, "Destroying Vertigo" mérite d’être écouté. En un mot : il faut acheter l’album.


(1) https://www.youtube.com/watch?v=Ip-TpKjHJKY

(2) Pour en savoir plus sur eux, voir cette interview de la RTS (https://www.youtube.com/watch?v=g09LfAUI4Xo) ainsi que leurs sketchs, disponibles sur Youtube.