Changer d'air, c'est parfois salvateur pour un musicien. Pas forcément aussi radicalement que Mitch Harris l'a fait avec MENACE, mais voilà, juste faire un truc un peu différent, sans contraintes, un exutoire. Parce que bon, quoi qu'on dise, c'est pas facile d'être artiste. Les superstars se mettent bien, les petits groupes s'éclatent, mais pour tout ce qui est un peu "intermédiaire" ça doit être cauchemardesque, entre les grandes tournées qui rapportent au final que dalle tout en restant ultra contraignantes pour tout le monde, les ventes de disques qui sont cool mais atteignent jamais les charts et la fanbase ultra exigeante et massive mais pas assez pour permettre de vivre pleinement. Du style on peut presque en vivre, mais non. On fait au final rien d'autre que limiter la casse autant que possible pour garder sa passion intacte.
Genre NILE, je pense que c'est typiquement le genre de groupe dans ce cas-là. Avec une énorme fanbase mais toujours un créneau qui cantonne à un public précis et ne touchera jamais tout le monde. Robb Flynn de MACHINE HEAD parlait justement de ça et les statuts des deux groupes doivent être équivalents. La preuve étant que malgré le gros succès que rencontrent les Égyptiens de Dallas, quand l'un des deux membres emblématiques fait son propre side-project autrement que sous son nom, ça fait un bide et pas grand monde en entend parler. Ouais, c'est dur la vie d'artiste... Et du coup, go en faire une chronique.

Et pourtant, ce NARCOTIC WASTELAND est quand même bien cool. Dallas Toler-Wade fait son business à côté de son groupe principal d'une technicité effarante et régresse d'un cran pour souffler un peu. Et nous accouche donc d'un album de Death/Thrash fort bien troussé abordant des thématiques originales, en partant en véritable croisade contre les addictions (l'alcool prend bien pour son grade, chose rare dans le genre vous l'avouerez). Monté en compagnie de Ed Rhone, récupéré de leur premier groupe commun TERATOSIS, ainsi que d'autres potes, ce premier album n'a d'autres ambitions qu'envoyer une musique abrasive, efficace et sans fioritures, comme on en voit plein partout, comme il en sort tous les jours, sans rien de particulier pour se détacher sinon sa profonde qualité intrinsèque. Et voilà.

Alors non, évidemment, ça n'a aucune originalité. C'est du gros Death qui fonce dans le tas, avec un son moderne (j'émettrais quelques réserves sur la batterie sonnant trop BAR avec une double triggée comme on ose plus en faire), avec la voix de Dallas qui porte le tout et qu'on reconnaît entre mille, identique à celle beaucoup moins gutturale et plus Thrash adoptée sur le dernier NILE, renforcée par des growls bien méchants du bassiste pour épicer un peu, ça riffe dur et Thrashy, ça cogne et ça blaste, ça enchaîne les riffs et les morceaux sans demander son dû et remballé. C'est globalement pas trop trop hargneux, ça se contente de taper sèchement et âprement, bien qu'on ait certaines fulgurances qui rappellent fortement l'autre groupe dont j'ai déjà assez cité le nom comme ça (si bien que certains passages de "Anthem For The Mentally Scarred" nous renvoient carrément en plein milieu de "Kafir!"). On a donc quatre premiers titres exemplaires dans leur accroche et leur construction, un énorme hit avec "The Shackles Of Sobriety" et des couplets bien vicelards qui se fraient un chemin mérité au fin fond du cortex sur "Keeping Up With The Jones". Et voilà.

En fait, c'est typiquement le genre d'album qu'on est content d'écouter, qui nous botte à fond sur le moment mais ne laisse pas de souvenir impérissable éternel. On écoute ça quelques fois, une fois de temps en temps chaque semaine pour passer un bon moment à enchaîner les riffs qui cognent sans aucune prétention autre que... Ben cogner, et on range ça pour passer à autre chose. Un exutoire, un vrai, ultra efficace, qui défoule, qui aborde des thématiques graves mais ne le fait pas trop ressentir (grosse carence en ambiance) et finit par se ramasser sur la fin car trop linéaire, l'ajout de rythmiques plus lourdes sur "Awaken The Herd Beast" n'y changeant pas grand chose et faisant juste piquer du nez. Bref, les défauts habituels pour un album habituel, mais ayant suffisamment de mordant et de bonne vibe pour faire plaisir à entendre.

Et c'est tout ce qu'on en retiendra. Ce side-project n'apporte rien, n'a pas de prétention, et est totalement oubliable, mais reste plaisant à écouter. Après, sans le line-up, jamais je ne me serais penché dessus, je l'avoue. Mais bon, suivre des musiciens qui en valent la peine, ça vaut toujours le coup, et ça se soutient. Parce qu'au fond, on est en face de quoi là ? Juste d'un mec qui est parti dans un trip où il a moins envie de se prendre la tête, parce qu'il n'a plus rien à prouver et a juste envie de faire un truc à sa sauce pour souffler un coup entre deux albums pharaoniques et trois tournées mondiales. Et au fond c'est pas plus mal. Alors on écoute son album, genre 5 ou 6 fois, sur une durée d'un mois, on l'apprécie pour ce qu'il est, et on repart vers de nouvelles aventures en territoire extrême après cette pause brainless qui au final ne fait que prendre la place d'un autre album peu ambitieux qu'on aurait écouté à la place. Parce qu'au fond, ce genre de trucs efficaces qui ne tutoie pas les cieux, on aime tous ça, à petites doses, de temps en temps.

Vodka : Petit égotrip de Dallas, qui porte sur le dos tous les arguments de vente d'un album bien fichu, mais pas inoubliable.