Je voudrais lancer une grande opération de Noël destinée à faire aimer le grunge à ceux qui le détestent (hein Destin Moisi). Surtout que ce mouvement garde une influence nette, par exemple chez Black Stone Cherry (Lonely train du premier album) ou même dans le stoner. Ce Dirt d'Alice in Chains continue ainsi de hanter les platines et de distiller son mal-être, son spleen, tout en offrant une dynamique démentielle. Je pense que tout le monde est d'accord pour reconnaître que Layne Staley a fortement marqué le mouvement, par son inspiration aussi, car avec Cantrell, voilà une doublette qui avait de l'or dans les mains. Je suis venu au mouvement subpop à reculons et c'est ce Dirt qui m'a convaincu. Notamment Rain when I die : rarement j'ai ouï une guitare aussi belle, avec grosse saturation, gros arpèges, pédale wah wah et un feeling seventies à mort. Là dessus Staley, pendu à son micro, fait un numéro de crève-cœur, d'homme insaisissable... ce texte tout autant que la ligne de chant sont des merveilles. Convaincu aussi par Junkhead, encore une fois pétri d'une huile essentielle au goût des seventies, avec même un accent sabbathien et des chœurs tout en finesse. Surtout, il y a cette ambiance, c'est vrai, qui porte la signature du grunge : désespérée, fataliste, désabusée. On ne peut pas non plus, comme Poison, passer son temps à mettre de la laque et du rouge à lèvres hein ?! Sur ces douze titres, il y a tout l'univers de Seattle et d'une jeunesse blanche américaine fracassée, décomposée. Beaucoup plus que Nervermind, cet album a un rôle sociologique sur ce début des années 90. Quand Staley chante " ain't found a way to kill me yet" dans Rooster, morceau rock'n'roll affolant à l'envergure d'un Led Zep (j'y vais fort... mais c'est pour convaincre !), il ne dit pas cela pour faire genre : ce type était, on le sait, foutrement torturé. Bon je rajoute, l'écoute indispensable de Would, de Them Bones, de Dirt... On a là 57 minutes et 37 secondes quasiment immortelles. Après on peut enquiller le Unplugged qui surpasse aussi celui de Nirvana en terme de feeling et d'émotions. C'est du téflon, de l'inoxydable... vos petits enfants en parleront eux aussi ma bonne dame !