Dans un monde idéal, JUDAS PRIEST aurait raccroché les bracelets à clous en 1992, lorsque Rob Halford s'est barré. Il aurait laissé une discographie (presque) sans tache, fini par un disque impérial et généré finalement moins de frustration que tous ces machins qui sortent au rythme d'un tous les cinq ans, un coup avec un clone d'Halford, un coup avec un sosie de KK Downing, et où l'on peine seulement à reconnaître ce qui fut autrefois un groupe immense. Bientôt 40 ans de carrière dont 25 de trop, j'espère au moins qu'ils feront un gâteau.
Mais bon, puisque ces disques sortent, prenons ça comme du rab', un peu comme les frites réchauffées de la cantoche, elles étaient pas bonnes et on en laissait la moitié dans l'assiette mais on était quand même content d'en reprendre.
Et puis, purée de nous z'ôtres, c'est qu'on vieillit aussi, et finalement c'est bien sympa de se lever de bon matin un 15 juillet pour cavaler à la FNAC acheter le dernier JUDAS, un peu comme on court après sa jeunesse perdue.
"Priest…Live!" aussi était sorti en été. Je me souviens, j'étais en vacances dans un patelin nul sans aucun magasin Nuggets (la zone !) et j'avais obligé mon pauvre père à se cogner 60 bornes de montagne en plein mois d'août pour aller acheter la cassette à Perpignan. Tout ça pour qu'il passe le reste de ses congés durement acquis à rien branler dans la fonction publique à subir mon Robinou hurlant "Parental Guidance" en boucle. Faites des gosses, tiens…
Sauf que "Redeemer Of Souls" n'est pas "Priest… Live !". En été 1987, il faisait 40° à l'ombre, en 2014, il fait genre 6° au soleil. "Redeemer", on déballe d'abord son packaging infâme pour découvrir un digibook ultramoche (Mark Wilkinson : l’idole !), puis, on lit, sourire en coin, le petit speech de présentation démago et les paroles encore moins intellectuelles que d'habitude, enfin, on glisse le cd dans la fente pour découvrir, ô miracle, un ersatz de "Screaming For Vengeance" probablement enregistré dans le tambour d'une machine à laver, vu le son, porté par un Robinou le Painkillou aux fraises sur près de trois quarts des titres, et encore, point trop n'en faut, j'ai pas écouté le deuxième disque.
Étant donné que (selon certains scientifiques) près de trois quart de treize ça fait environ quatre, il y a donc environ quatre morceaux corrects là-dedans : "Sword Of Damocles", avec son intro qui rampe et son refrain qui vole, "March Of The Damned" qui est un single efficace façon "Crazy Train" d'Ozzy, "Cold Blooded", le plus beau de l'album où Rob est grand, et enfin l'antépénultième titre, "Secrets Of The Dead", car j'ai promis à ma femme d'employer le mot antépénultième cette semaine (autrement c'est un peu mou, comme morceau).
Le reste louvoie entre un Heavy pas trop mal composé mais assez quelconque pour du JUDAS PRIEST car trop auto-référencé ("To Hell And Back" repompe "Out In The Cold", "Dragonaut" est un vague "Electric Eye", "Redeemer Of Souls" c'est "Hell Patrol" en moins bien, sauf le solo, etc.) et des atrocités manifestes où Rob ressemble parfois à un chanteur de karaoké à la ramasse. Ça me fait mal d'écrire ça, car autrefois je pouvais pleurer d'émotion pure en écoutant "Desert Plains" ou "Run Of The Mill" mais devant "Halls Of Valhalla" ou, pire, "Battle Cry", cette fois, ce sont mes oreilles qui pleurent des larmes de sang.
Alors on peut trouver des excuses à ce disque : ce n'est pas totalement nul, juste moyen, Faulkner ne fait pas oublier son prédécesseur mais il est méritant, Halford est vieux, on y peut pas grand chose, il atteint quand même plus de notes justes que Lou Reed sur "Lulu", et pis c'est mieux que rien, et pis faut bien bouffer, et pis si t'es pas content fallait acheter autre chose... OK.
Dans l'absolu "Redeemer Of Souls" aurait pu être pire, n'empêche qu'il suffit de l'écouter après ne serait-ce qu'un "Point Of Entry" pour se rendre compte que tout cela est pathétique.