DEVIN TOWNSEND PROJECT : ADDICTED (2009)

Un truc récurrent avec Townsend: il ne tient strictement jamais ses promesses. Après un "Ki" annoncé comme calme et "moelleux", et qui se révélait être le plus sombre et violent qu'il ai sorti sous son nom, on se retrouve avec un "Addicted" censé être positif, décomplexé et pop; qui se révèle très contrasté, raisonnablement violent et, bien qu'il soit le plus accessible composé par le maître, loin d'être considérable comme un album "simple" tant la complexité est ici de mise.

Comme toujours, chaque morceau dispose de son identité propre, et constitue une pièce du puzzle monumental que l'album au complet forme.

On démarre par le titre éponyme, pour moi le morceau le moins bon de l'album. Ou plutôt DES albums, tant un minutieux découpage semble avoir été fait.
Donc comme presque toujours, on par d'un riff plutôt simple, pour l'enrichir de plus en plus et former un mur du son montrueux (comme "Seventh Wave", "Truth", titres d'ouvertures des premiers albums ayant une intro similaire).
Puis ca explose, ca part en bidouillages électro discrets mais faisant bien sentir leur présence (une première pour le Canadien, enfin on exploite le Projet EKO!). Le chant est ici hurlé, le ton est cependant assez optimiste, refrain très catchy et tout et tout...
On enchaine direct (mais vraiment direct, la première fois j'ai pas entendu la transition!) sur "Universe In A Ball", titre assez simple mais diablement entrainant, battit autours de riffs ultra basiques mais ultra directs et efficaces.
Après cette introduction relativement agressive par rapport aux dires du génie canadien, on entre enfin dans le "vrai" "Addicted".
Tout d'abord par "Bend It Like Bender" (référence à Futurama inside), sans doute le titre le plus immédiat jamais composé par Townsend. L'agressivité est mise en retrait, pour un résultat ultra pop et entrainant. Et Anneke... Ah enfin la voila celle là ! Complètement absente en début d'album, elle arrive au 3e titre pour interpréter un refrain qui nous restera dans la tête pour la vie entière, et ne nous lâche plus d'une semelle par la suite.
En effet, sur le titre suivant, "Supercrush" (qui porte bien mal son nom), l'émotion pointe le bout de son nez. Tout est clair limpide, les lignes de chant claire de Townsend son tout simplement sublimes (bon sang c'est moi ou il chante encore mieux qu'avant ?), et renvoient la balle à celles d'Anneke qui le sont au moins autant.
"Hyperdrive"... mais on connait ça ! Le titre de Ziltoid est identifiable dés les premières notes, mais se retrouve quand même métamorphosé.
Dans cette version, il est bien plus riche et énergique: de part par le chant d'Anneke, d'autre part par la petite accélération du tempo et surtout la multiplication des samples. Le coté planant est parti, on conserve le coté spatial; les deux versions sont d'une qualité égale pour moi.

Bon, on a ici fait la moitié de l'album, et on se demande encore quelles surprises Townsend nous réserve encore.
Petite déception pour "Resolve", un des titres les plus faibles. Trop basique, trop ancré dans le ton joyeux de l'album, malgré un bon refrain et une Anneke au top de sa forme, ca décolle pas des masses...
"Ih-ah". Avec un nom aussi pourri on se demande ce que ça nous cache...
La ballade de l'album tout simplement. Et accessoirement une des meilleures que Devin nous ait livré. Principalement acoustique, mais à l'esprit très rock (à des années lumières de la très belle mais très soporifique "Lady Helen" donc...), les vocaux de Townsend sont très émouvants, implorants, d'une beauté et d'une pureté à toute épreuve, et quand ils sont de plus doublés par une autre chanteuse (pas Anneke nan, j'ai vérifié avec le livret), on frôle l'orgasme auditif. Celui-ci est immédiat avec le prochain titre.
Franchement, je me demande ce que Mefisto peut avoir contre "The Way Home". Vous vous souvenez de "The Fluke", de "Terria" ? De cette ambiance "fraîche", naturelle, qui nous met dans la peau d'un farfadet chevauchant à travers bois à dos de licorne ? Ben ici on a la même, en plus forte. La basse est ultra-présente, les lignes vocales sont une fois de plus parfaites... Un des meilleurs morceaux que j'ai entendu de ma vie tout simplement.

On a donc eu jusque là un album en 2 parties, la première relativement violente, la seconde catchy, pop et pleine d'entrain.
Et la troisième commence tout de suite...

"Numbered" surprend. Riff très puissant, incisif, on se croirait tout d'abord de retour sur le "The New Black" de SYL... Puis vient Anneke, qui signe sa meilleure performance de l'album. La splendeur de sa voix vient rompre d'un coup sec le crescendo précédent. Le morceau lui-même oscille entre grosses mandales indus et parties implorantes de la belle... Devin lui a un ton tout d'abord tendu, laissant paraitre un sentiment d'inquiétude... Puis tout s'accélère, très précisément à 2:17. On se croirait véritablement pris au piège, de retour au "Wrong Side" du dernier STRAPPIN'. Les lignes de guitare sont sombres, puis on se prend en pleine gueule une claque d'une violence monumentale, on sent une explosion arriver... Qu'Anneke vient stopper au dernier moment. Le bourrinage, ça sera pour "Deconstruction", et pas avant, na !
Mais mon dieu que cette Bande Annonce est jouissive...
"Numbered" ressemble en fait à un morceau du futur album réarrangé pour figurer sur "Addicted". Et que dire de ce final a capella par Anneke à part que j'en ai les larmes aux yeux...

On finit en beauté sur "Awake", long morceau démarrant d'abord de façon rassurante et lumineuse, avec un Townsend à la voix toujours plus marquante, suivi de près par une Anneke au meilleur de sa forme.
Le morceau progresse, et s'assombrit de plus en plus... Chant hurlé de nouveau présent... Tout devient plus torturé, suffocant... Retour du chant clair... Anneke... rechute. GET UP AND DECONSTRUCT! nous hurle Devin. La transition avec le prochain volume de la quadrilogie. Il est ici en route, rien ne pourra le stopper. La longue outro électronique est là pour nous faire reprendre nos esprits. Un album de Townsend est toujours une expérience...

Que dire de plus...
Vous aurez compris ma position par rapport à cet album, pas besoin d'expliquer la note attribuée.
Pour moi, Townsend n'aurait pu faire mieux. Sûrement un chef d'œuvre, d'ici 10 ans on pourra déjà se la péter en racontant qu'on a acheté "Addicted" à sa sortie... "Deconstruction" est cependant en route, et le petit aperçu que nous pouvons en avoir me fait présager une véritable bombe nucléaire, voire une référence du Metal du 21e siècle...

Devin est un génie. Et celui-là, on n'attendra pas sa mort pour le sanctifier !