Je n’aime pas trop les commentaires « relativistes » habituellement. Ceux qui consistent à appliquer la Politique des Auteurs aux groupes de Rock et à juger chaque disque par rapport à une « œuvre » globale ou une prétendue « Histoire » de la musique. Cette perversion critique héritée des Cahiers du Cinéma amène trop souvent à faire prendre des vessies pour des lanternes et réciproquement. Combien d’albums miteux sont surnotés pour la simple raison qu’ils sont les moins mauvais d’une discographie en réalité entièrement dédiée au tâcheronnat ? Ou parce qu’ils sont l’œuvre d’une formation « intouchable » ? Ou parce qu’ils sont décrétés « cultes » sans possibilité de discussion ? Et à l’inverse, combien de disques valables sont massacrés parce qu’ils sont les moins bons de tel ou tel groupe alors qu’ils enterrent en réalité les trois quarts de la concurrence ? Ou parce qu’ils sont trop atypiques pour le fan de base ? Ou parce qu’ils sont l’œuvre d’un groupe décrété « de troisième zone » ? Matt SINNER a t-il jamais écrit un disque qu’on n’ait pas eu l’impression d’avoir déjà entendu douze fois ? Est-on certain que le premier SARCOFAGO (qui est d’une nullité à chier par terre, mais c’est du proto BM alors pas touche !) soit meilleur que le moins « créatif » des disques de VOIVOD ? Que chez CELTIC FROST "Dethroned Emperor" (encore du proto BM limite) soit sanctifié alors que "Cold Lake" (un bon album de Thrash Rock) soit victime de négationnisme tout ça parce qu’il ne plait pas aux pseudo-fans intégristes ? N’y a-t-il pas sur "Somewhere In Time" des titres d’une balourdise affligeante et d’un haut degré de pompiérisme et sur "The X Factor" des titres d’une grande finesse ? Quand arrêtera-t-on de parler de POISON pour s’intéresser enfin à VAIN ? Et si METALLICA avait sorti "Time Does not Heal" et DARK ANGEL "And Justice for All", lequel serait considéré comme un chef-d’œuvre ? Et surtout, surtout, pourquoi Lita Ford s’est-elle mariée avec ce gros nullard de Jim Gilette ? POURQUOI LUI ?
Toutes ces questions, si peu de réponses. Et tout ça pour dire (oui, la transition, bordel !) qu’avec "The Meaning Of Life" je suis un peu coincé. J’ai beau essayer de me convaincre que c’est objectivement un bon disque, que s’il n’était pas signé TANKARD, je l’aimerais sans doute, rien n’y fait, je suis bloqué en mode « subjectivo-relativiste », comme le crétin de fan de base trahi par ses idoles et qui s’en va chier partout parce que « Beuuuh c’est pu du Thrash, c’est de la soupe même que c’était mieux avant ! ». Faut dire qu‘à l’époque je me suis jeté comme un mort de faim sur "The Morning After", le EP "Alien", le picture disc "Hair Of The Dog", la VHS live "Open All Night", les compils de clips "Doomsday News" et, donc, la cassette de "The Meaning Of Life". Les Fat Ugly Germans, pour moi, c’était quelque chose ! Après que la cassette a tourné à outrance pendant quelques temps, le verdict est finalement tombé : c’était la confusion perplexatoire.
Fort d’un succès qui allait en grandissant au fil des disques, TANKARD a fini par s’y croire et s’est mis à péter plus haut que son Thrash décapant. Des textes « concernés » à deux balles ("Dancing On Our Grave", "All Are Equal"), le braillard de service qui se prend pour un chanteur avec l’abandon du Thrash Punk scandé pour des mélodies à couplets-refrains, avec même des pré-chorus de la honte (c’est tout juste si on ne se surprend pas à siffloter les chansons en dodelinant de la tête comme un bredin), le tout mixé très en avant par rapport aux instruments qui sonnent comme un backing-band qui déroulerait son Thrash linéaire en sourdine en s’excusant presque de faire du boucan. Une production désespérément propre (et encore, ma cassette pourrie fait des efforts pour sonner roots !) qui n’a que de faux avantages : on entend bien les lignes de basse (l’instrument qui sert à rien par excellence… ) et les parties de double grosse caisse du nouveau batteur (aucun intérêt, n’importe quel Norvégien peinturluré sait faire ça, en outre, le batteur binoclard précédent était moins franc mais meilleur, on ne gagne pas toujours à remplacer un Phil Taylor limité par un Mickey Dee robotique, tous les fans de MOTORHEAD le savent !). La pochette de Sebastian Kruger (un as du dessin) est curieusement moche et le bilan est mitigé. Où sont les grattes qui grésillent, les accélérations dantesques, le skank beat péchu, les hurlantes de phacochères, l’esprit hardcore et le fun décomplexé de "The Morning After" ? Il y a certes quelques bonne pièces, "Space Beer" n’est pas mal (par contre "Open All Night" est à la limite de la beauferie) et quelques efforts ont été consentis pour faire sonner la musique en adéquation avec les mélodies ("Wheel Of Rebirth" fait figure de chef-d’œuvre technique) ou pour proposer des solos de guitares construits à la mode Jacky Van Halen (le frère des deux autres, celui dont on ne parle jamais, qui se défonce à la choucroute et qui fait du tapping de goret) . Mais ça passe tout juste le cap du « pas mal sans plus » alors qu’autrefois, ça foutait le feu. Le dernier des classiques de TANKARD, leur "Divine Intervention" à eux (ou leur "Impact Is Imminent", plutôt) celui qui arrive encore à faire illusion tout en sentant un peu la mouscaille. La fin d’une époque, pour ma part.
Merci pour la chro « qualité Canard ». C’est très apprécié.
2.8/5
