AURVANDIL est Français. De Rouen plus exactement. Et, comme toute formation de BM UG qui se respecte, priorité au Black/Punk dès les premiers émois musicaux, deux ans après une première venue au monde. Si l'on s'en tient au schéma classique, le penchant juvénile succèderait à une période d'allaitement intense. La mère, elle, reste identifiable : seins meurtris, tombants, las d'une progéniture par trop inquisitrice. Qu'elle réponde au nom de DARKTHRONE ou que son allure dégingandée rappelle NUIT NOIRE, finalement, qu'importe ? Le lait maternel, à teneur exclusive 50% Black amateur/50% Punk garage n'a jamais été très nourrissant sur le long terme, et vient rapidement à tourner. AURVANDIL ne s'y trompera pas, amorçant un virage salutaire sur "Ferd".

Le stade anal donc. Rétention/expulsion : satisfaction. Musique de l'instant que seul l'instant justifie : la spontanéité comme musagète, l'esquisse hâtive comme résultat. La fraîcheur de l'idée musicale capturée sur le vif, en somme. Certes. Mais à défaut d'enchaîner les brûlots accrocheurs, ce sont des fœtus de compositions malformées qu'AURVANDIL laisse dans son sillage. Indigence structurelle et légèreté d'ensemble, voilà les pires ennemis du romantisme : la fulgurance de l'idée ne pouvant se passer d'un retour réflexif, le bon équilibre de l'intuition et de la réflexion, ce délicat dynamisme auquel tend l'artiste, apparaît nécessaire au processus créatif.

Et s'il arrive au génie de fondre ces deux éléments en un tout indissociable, de maintenir l'inspiration tendue jusqu'à son accomplissement, cela n'est que trop souvent temporaire ; de laborieuses transitions apparaissent, pleines d'embarras et de difficultés, et, hélas, "il arrive même à l'excellent Homère de s'endormir", pour reprendre le vieil hibou grec. Tout cerveau, aussi supérieur soit-il, reste limité dans ses forces.

Mais cela ne doit pas servir d'excuse. Nous nous situons ici à l'extrême opposé. AURVANDIL manque de souffle, esquisses tronquées d'un Black frondeur, aussi attachant qu'immature. En tout et pour tout, seules trois compositions peuvent plus ou moins prétendre à ce titre. Oui, "In Madness Thine", "On Est Seul", et "La Grande Maladie" sont même décentes dans leur genre. Mais c'est peu, et l'éclatement des titres aux deux faces du rectangle, très hétérogènes, n'aide pas.

Conséquence d'une prise de son médiocre et d'une production absente, l'accent va aux surimpositions de guitares ; aux lignes mélodiques croisées ; à l'unilatéralité de l'écriture ; ainsi qu'aux hausses de tempo tournant à l'inintelligibilité brouillonne : "Durin Song", ou l'exutoire festif tournant au capharnaüm du n'importe-quouesque. Si l'oreille ne se trouve pas violentée par l'extrémisme sonore des hautes fréquences (on apprécie le geste), pire encore, elle se trouve frustrée par cette carence de développement, cette inanité d'un propos certes immédiat, sympathique à l'instant T, mais désespérément éphémère.

L'absence de bagage technique n'aidant pas, la serpillère de l'analyste peine à remonter quelques points positifs de ce joyeux naufrage : quelques embryons d'idées mélodiques dispersées, une pincée d'harmonies simples mais belles que nous retrouverons dans ses productions postérieures ("The Wind Sorrow", bien trouvée), un léger substrat atmosphérique ça et là. Bien maigre butin pour une besace ajustée à l'occasion.

Ne reste plus que la sincérité, cette lucidité salutaire de l'artiste quant à son travail : "Futile Rehearsal", vous l'aurez compris, ne ment pas. Allez, la suite sera mieux.