Il ne reste plus beaucoup de groupes des années 90 produisant de Metal fusion engagé. Leur fer de lance de lance étant à l’époque RAGE AGAINST THE MACHINE. Personne ne sait très bien ce qu’ils font maintenant. Reformation ou non ? Réunion (sporadique ?) bassement mercantile ? Rien ne filtre beaucoup de ce côté-là. Il n’empêche que dans la tête de tous, ce groupe reste unique autant pour sa recette hautement abrasive que ses prises de position politique. Il n’empêche qu’un petit groupe anglais, formé en 1989 et empreint d’une énergie dévastatrice, emboîte le pas aux américains. SENSER réussit l’exploit d’extraire de son premier disque, "Stacked Up" en 1995, deux singles et deux clips qui ont marqué les esprits. Il s’agit de "Age Of Panic" et "Eject". Période bénie des expérimentations musicales réussies, les 90’s font rayonner la fusion. Le mélange de SENSER, c’est un DJ meurtrier aux platines, une méchante guitare syncopée sur une section rythmique en acier trempé. Et le must, c’est Kerstin HAIGH. La seconde chanteuse du groupe à la voix magnifique qui apporte un peu de mélodie dans cette équipée de brutes sauvages. Leur message est scandé sur un phrasé hiphop par la tête pensante du groupe, Heitham AL SAYED. SENSER est un groupe engagé politiquement, son cheval de bataille sera l’injustice et les disfonctionnements du système. A l’instar de RAGE AGAINST THE MACHINE, leur combat ne s’arrête aux portes des salles de concert puisqu’ils sont d’infatigables activistes.

Le groupe se sépare à l’aube de l’an 2000 après deux albums. Nous retrouverons des membres de SENSER dans les rangs d’un autre bon groupe de qualité mais tout aussi éphémère, LODESTAR. Une compilation verra le jour dans la foulée. Des retrouvailles lors des festivals d’été poussent l’équipe à se reformer et à partir à l’aventure. C’est chose faite depuis 2004, où le groupe ne cesse de créer le mouvement autour de lui. Malheureusement, sans soutien promotionnel. Il n’empêche que la fougue et l’énergie est toujours là. Sans soutien, ni réseau de distribution conséquent, les choses sont plus longues à se mettre en place. SENSER a la volonté de s’imposer et le prouve avec "How To Do Battle".

L’identité et la dynamique du groupe restent inchangées, même si la surenchère n’est plus à l’ordre du jour (tout le monde vieillit !). Choisi comme premier single, "End Of The World Show" est un morceau plutôt mid tempo dans la discographie de SENSER. Les deux voix typiques masculine et féminine se côtoient autour d’un refrain fédérateur. Sur ce titre, Kerstin ne se contente pas des parties mélodiques mais talonne notre chanteur dans le registre de l’agressivité. Il n’empêche que c’est le second single qui devrait remplir tous les suffrages. Il est également le premier titre de l’album si l’on excepte le préambule bruitiste. "Resistance Now" est un carton en puissance. Construction basique mais cette fois la rythmique ne fait pas de cadeau. D’office, le débit de parole d’Heitham met dans le ton. Sur le second refrain, des paroles fédératrices révolutionnaires sont chantées en arabe et en français. Toute l’originalité du morceau est là. En plus des modulations du chant et des tonalités pop exprimées par le chant féminin, avant un final apocalyptique (la puissance en moins) que n’aurait pas renié Tom ARAYA (SLAYER). "Brightest Rays" et "Smoking Paranoia" empruntent aux ambiances trip hop du MASSIVE ATTACK de la grande époque et le ton général se veut plus nuancé ("Dictator Bling", "Hex"). La machine s’emballe aussi parfois sans convaincre ("So Refined" et "Lights Out"). Soulignons cependant le travail plus que soigné d'Andy Clinton, l'homme aux platines, qui réussit à sauver avec ses couleurs musicales un album de fusion qui tourne gentiment le dos au Metal.

La cause est noble même si la recette semble aujourd’hui maintes fois usitée. L’expérience démontre cependant que SENSER n’est pas mort, il est encore capable de composer des titres qui font mouche. Et c’est ce qui importe quand on veut soulever les foules.