Le régime nazi n’a pas simplement secoué la planète entière durant la première moitié du XXe siècle, il a influencé nombre d’artistes et de groupes Metal dans sa recherche d’extrême, de violence indicible. Ce qu’on appelle le Néo-Social Black Metal, embranchement néfaste à tous les niveaux, surtout idéologiquement parlant. D’autres formations, comme ABSENTIA LUNAE, ont choisi de ne pas anéantir mentalement des millions d’innocents, à moins qu’ils jouent la comédie à merveille, optant pour une musique où la bestialité est intérieure, où la guerre est intestine, non assassine. Le titre de leur deuxième opus "Historia Nobis Assentietvr" ("History Will Prove Us Right") peut certes porter à confusion… Or, les blackeux italiens ne vouent pas un culte au nazisme, mais viennent titiller nos démons afin de sonner le glas d’une vie qu’ils jugent mauvaise.

Pour eux, le cauchemar approche dans un monde où la religion, l’unité, la liberté, le totalitarisme et la démocratie sont morts pour laisser place à l’esclavage moderne. C’est cette négativité qu’ils avaient mise de l’avant sur "In Vmbrarvm Imperii Gloria" et qu'"Historia Nobis Assentietvr" creuse davantage. Selon eux, afin de sortir de ce marasme, il nous faut retrouver la force et l’intelligence pour agir et grandir. Dans le fond, le nouvel Europe (Neuropa), présent dans la littérature durant les deux Grandes Guerres et que le groupe placarde dans une intro cauchemardesque, est un clin d’œil au passé. Passé qui serait garant de l’avenir. Pas dans le sens d’une résurgence de l’autorité nazie, mais bien dans une optique de renaissance globale souhaitable pour éviter la boucherie. Sachant cela, on respire mieux et on peut se concentrer sur une musique sans compromis qui nous fait passer un sacré bon moment digne des jours dorés d’ANAAL NATHRAKH et ABORYM.

Le Black d’ABSENTIA LUNAE est d’abord et avant tout très technique, offensif, mais pas immonde. Avec Blastphemer le panzer aux fûts, le combo livre une musique abordable qui transpire les combats : conflit du rationnel, de l’ordre mondial, de justice… Prophètes de la menace qui gronde, les Italiens ne se gênent pas pour ressortir le roulement de tambour militaire à la fin du deuxième et superbe titre, "Condemnation Of Rationalism", et au début du suivant, "There Are Chilling Signs Of An Eternal Farewell". Oui, nous sommes en guerre, et pas à peu près. Les soldats avancent, masque à gaz sur le visage, sans se douter que la faucheuse les épie derrière un voile de fumée…

Ildanach le commandant et la capitaine des cordes, Climaxia, nous guident à travers des attaques aux arrangements constamment brisés, concept bien utilisé par les Polonais de VESANIA sur leur premier album. Sauf qu’ABSENTIA LUNAE n’est pas sympho, il est inventif et parfois mélodique dans son balançage de purée. Il tente en ce sens de peindre les émotions que doivent ressentir les pantins de l’armée sous le feu nourri de l’ennemi sur "There Are Chilling Signs Of An Eternal Farewell" et sa trame abominable. Idem pour "The Scream & Its Enlightening Echo", où les cris rebondissent sur des blastbeats du tonnerre (le batteur rend hommage à son nom) et les lignes agonisantes des deux gratteurs. Devant un tel déluge, on applaudit le répit qu’on nous offre sur les pistes suivantes : percées de voix claire, bruit de sonar sous-marinier, arpèges, s’échangent une scène derrière laquelle le tank est constamment en marche. À part sur la dernière portion de "In The Sign of Aries, History Will Prove Us Right", qui semble manquer d'essence...

Si la production n’est pas au poil et que la mitraillette peut agacer en volant de l’espace aux riffs, "Historia Nobis Assentietvr" est une vraie machine à broyer. Atmosphères inquiétantes, alternances entre le gris et le noir, ABSENTIA LUNAE est véritablement l’absence d’une lune étincelante.

Les Italiens déterrent de vieux complexes que l’on aurait aimé oublier, mais ils le font pour les bonnes raisons. Bien que leur pessimisme exagéré soit un brin saoulant. Au moins sont-ils authentiques, de trve représentants de leur culture obscure dénuée de remords. Reste à voir si l’histoire leur donnera raison d’avoir opté pour ces choix artistiques, ma foi, fort originaux. Mais il y a encore moyen de faire mieux.

J’avoue que les groupes de Black italiens ne se bousculaient pas devant ma porte ; je suis aujourd’hui heureux de constater que la grosse botte peut nous heurter le cul autrement qu’avec ses speedeux piqués au symphonique.

Résultat de la bataille: 3,5 millions de cellules mortes