« Departure », le précédent album de FOREST OF SHADOWS, n’avait pas fait l’unanimité. Là où certains appréciaient les mélodies touchantes et la mélancolie manifeste, d’autres y voyaient une kitscherie innommable et une mièvrerie symptomatique d’un second couteau Doom sans avenir et sans inventivité. Aucun camp n’avait réellement tort. Et à l’heure du retour de ce one-man band désormais assez reconnu sur la scène, on constate un statu quo. FOREST OF SHADOWS joue toujours un Doom ultra mélodique, aux plans assez prévisibles, et aux incursions Death plutôt surprenantes au vu de la douceur synthétique de la boîte à rythme et de l’électro-acoustique délicate. Les détracteurs le resteront sûrement. Pourtant…

… Il serait dommage de passer à côté d’émotions sincères et spontanées, exprimées via des mélodies d’une grande sensibilité. A quoi bon nier le fait que FOREST OF SHADOWS n’est ni innovant, ni franchement doué, alors que son nouvel album accumule les riffs convenus et les atmosphères tristes attendues ? Mais il y a bien quelque chose, là-dedans, qui motive l’écoute, c’est certain. « Moments In Solitude », bien sûr ; ne soyons pas de mauvaise foi, et avouons qu’on est scotché, dès le départ en trombes de la guitare soliste qui se lamente sur une tempête de guitares Doom/Death et une couche de claviers planante et subtile. Breaks atmosphériques, accélérations de rythme qui restent toujours contemplatives, alternances de chant Death/Black et de chant clair « à la KATATONIA »… Les ingrédients sont appliqués avec un savoir-faire certain. « Six Waves Of Woe » est un album modeste, mais il y a en lui quelque chose de blessé et viscéral… une sorte d’urgence qu’il y avait déjà dans « Departure », et qui se précise ici avec davantage de maturité. Malheureusement, les titres sont d’une qualité égale, et manquent alors de points de repère spécifiques (même si « Moments In Solitude » fait exception) : l’homogénéité dessert la volonté percutante des atmosphères, et noie tout un ensemble d’idées et trouvailles mélodiques loin d’être mauvaises.

L’amateur de beau Doom Atmosphérique est pourtant invité à écouter ce nouvel album de FOREST OF SHADOWS, car, s’il sait mettre de côté son désir de nouveauté et d’absolu le temps d’une écoute, il risque de voir en « Six Waves Of Woe » une œuvre vraie, composée avec franchise et émotion. Et il saura excuser les contingences que sont « Pernicious » ou « Detached » – sans être à jeter, leurs harmonies sont beaucoup moins prenantes, et leurs structures n’appellent pas vraiment l’adhésion de l’auditoire. Le projet manque de coffre et peine à se rendre indispensable, et c’est là le problème essentiel. Mais aujourd’hui, la mièvrerie qu’on lui reprochait semble faire partie de sa démarche, et se dessiner de manière toujours plus avantageuse. On aimera « Six Waves Of Woe », tout comme le beau « Departure », pour ses qualités émotionnelles, même si l'on ne pourra que déplorer la production monolithique et le manque de nuances, les couplets synthétiques – boîte à rythmes oblige – desservant une ambiance qui se veut plutôt organique.

Quand elle est si palpable, quand elle tombe de chaque note, la tristesse est si belle, si douce. FOREST OF SHADOWS use parfois de filons un peu gros, manque parfois d’adresse et d’ingéniosité structurelle… il n’en est pas moins très attachant. Point affaire ici à une daube kitsch pour Doomette pleureuse professionnelle, mais bien à un album de Metal triste et lent, dont la sincérité est autant source d’entrave… que de grâce.