Le premier album de KROHM m'avait surpris. Dans un univers du black dépressif qui abonde de productions, "A World Through Dead Eyes" faisait figure d'incontestable réussite. Plusieurs atouts remarquables lui permettaient de se détacher d'un flot de galettes de qualité très variable. Un son équilibré, une voix lointaine mais bel et bien présente, un usage savant du clavier, "A World Through Dead Eyes" était bon, très bon.
En 2007, KROHM revient. KROHM, référence directe à Robert E. Howard, père de Conan.

Un premier album gris pierre, un deuxième album anthracite. L'artiste a quelque peu évolué pour plonger aujourd'hui dans un style plus vindicatif (la batterie de "Relic" n'aurait pas lieu d'être sur l'opus de 2004). Un style à la sinistrose en filigrane et qui bombe le torse. De révolution il n'y pas, de trahison encore moins, le relais reste naturel entre deux travaux qui comportent suffisamment de points communs pour éviter de crier au scandale. Mais tout de même, "The Haunting Presence" ne hante pas tant que ça les esprits, il bataille avec eux, il s'impose d'un pas plus lourd que son prédécesseur. D'aucun dirait que ce disque nouveau est plus accessible, qu'il louche vers une notoriété nouvelle. Soyons sérieux, plus direct et plus proche du caractère premier du metalleux lambda (bière et punk), "The Haunting Presence" repoussera la majorité des metal freaks, effrayés par tant de désespoir. Le chant s'est rapproché de quelques mètres, il n'en devient que plus terrifiant. Les claviers ne dominent pas autant les débats qu'auparavant, ils peignent pourtant toujours le même cafard. Ecoutons avec attention "Life Serenade" pour comprendre que raffermissement musculaire n'est pas toujours synonyme d'âme perdue.

De la belle ouvrage, évidente certitude. Mais ayant commencé en soulignant la population excessive nichant dans l'arbre du tout dépressif, je me dois de conserver un esprit critique afin trier au mieux le bon grain de l'ivraie. Les produits de ce genre sont nombreux, le KROHM nouveau saura-t-il s'extirper de la masse et mérite-t-il une attention particulière ?

Oui et non. Oui car KROHM est doué, sa tête pensante Numinas sait y faire. Il aurait été étonnant de le voir s'embourber si vite après l'édification d'un ouvrage aussi magnifiquement bâti que "A World Through Dead Eyes". Mais cette direction nouvelle ne lui va peut-être pas aussi bien au teint que sa précédente couleur. Alors, de surprenant, l'artiste devient aujourd'hui une valeur sûre… mais pas plus sûre que d'autres. Son échappée n'aura pas durer bien longtemps, il se retrouve maintenant dans le peloton de tête des musiciens neurasthéniques, il ne pédale plus à part. Enfin, il se pourrait bien que monsieur décide une nouvelle fois de faire parler de lui en solitaire. "I Respiri Delle Belle" en est la preuve. Un morceau incroyablement entraînant dans ses premières minutes et qui mêle avec un incomparable brio le groove du rock le plus chaloupé aux attributs classiques du black de triste sire. Un peu plus et on entendrait presque le MOONSPELL ou le TIAMAT des belles années.

Oui, KROHM a encore beaucoup à dire et s'il se contente ici par instants de réciter une formule, il le fait de toute manière avec application et savoir-faire. Et "The Haunting Presence" est un vrai bon disque.