Allez, je sors du bois ce superbe album des Allemands de KERMANIA, enfin plutôt de Weigand, seul maître à bord de ce projet, bien qu’il se soit appuyé sur le glaçant Alexander Von Meilenwald (The RUINS OF BEVERAST, NAGELFAR) comme batteur de session pour l’enregistrement de ce premier opus, après moult démos. Une presqu’heure de musique va s’étaler de manière hypnotique en quatre titres dont deux dépassent allègrement les vingt minutes. Vous êtes prévenus donc ! KERMANIA ne fait pas dans la demi-mesure, mais justement développe, ingénieusement, un Black Metal épique très fortement teinté de paganisme et volontiers patriotique. Je le précise ici, à toutes fins utiles, même si je déplore qu’il faille le justifier, KERMANIA ne possède aucun relent de racisme ni d’identitarisme nauséabond. KERMANIA célèbre l’Allemagne et son histoire, point final. En ces temps maussades, de chercheurs de merde, il est dorénavant de bon ton de le rappeler.

Peut-être un peu trop passé sous les radars, ce "Ahnenwerk" (= l’œuvre ancestrale) signé chez le label très sérieux Ván Records, est une de ses toutes premières signatures. Ceux qui connaissent le catalogue des Hollandais savent pertinemment que la haute qualité des sorties fait partie du symposium du label. Voilà c’est dit. Maintenant, pour décortiquer cet album nostalgique et mélancolique à souhait, sous ses attributs pourtant guerriers et martiaux – notamment par le jeu hypnotique d’Alexander Von Meilenwald – quoi de mieux que de vous mettre dans les oreilles ce long titre ouvrant "Ahnenwerk", "Schwertes Schaerfe Beichtgesang". Une irrésistible et incroyable sensation d’abandon se ressent à l’écoute de ce morceau. Les riffs épiques et lancinants, la voix déchirée un peu en arrière-plan, tapie dans l’ombre, la batterie valeureuse bien mise en avant, les parties acoustiques qui suspendent le temps et accroissent le sentiment et l’expression très atmosphérique et mélancolique (exemple du break superbe à la huitième minute), forment un continuum puissant, une sorte d’histoire partagée, ancestrale, faite de soubresauts de tristesse et de bellicosité.

Malgré la longueur importante du titre, KERMANIA sait rester captivant malgré le fait qu’il harasse toutes nos émotions et notre sensorialité. Cet envoûtement est perceptible plus nettement au sein de "Schwertes Schaerfe Beichtgesang" qu’il ne l’est sur les autres titres qui s’attachent à être un poil plus brutaux et agressifs. Tour à tour immersif et combattif, le second titre "Veitersberg 1487" développe avec plus de solennité cet aspect mémoriel, et les batailles de la grande Germanie, à l’instar du très épique titre éponyme qui clôture "Ahnenwerk" avec son chant clair saisissant, empreint d’une tessiture nordique, et ces riffs répétés aux harmonies romantiques et minimalistes. Weigand développe sur ce premier album des motifs sonores parfois BURZUM-iens, parfois Viking Metal, mais avec un tempo lent qui vous enserre l’âme. Le jeu d’Alexander Von Meilenwald est très intéressant et épouse totalement les plages funéraires des riffs, leurs tempêtes comme leurs calmes relatifs. "Heimatferne Rast", l’autre titre long format, pourrait en être le témoin parfait, même si, à mon sens, sa narration plus incandescente explore moins de paysages marquants.

Cela faisait un moment que je voulais faire cette chronique d’un album qui m’a beaucoup marqué et pour lequel j’ai toujours beaucoup de considération. Assez singulier et peu cité malgré tout, "Ahnenwerk", avec sa production suffisante, n’a pourtant pas été l’ultime éclat de KERMANIA. En 2014, un second album, "Kehre Heim", va nous asséner à nouveau des titres introspectifs sur près d’une heure. Bien que moins sombre et hypnotique, "Kehre Heim" conservera cette solennité toute particulière et rarement entendue depuis.

Note réelle : 3,5/5.