Avant de former ANCIENT WISDOM dont les plus avertis d’entre vous se souviennent peut-être de leur album fétiche "Cometh Doom, Cometh Death" de 2004, Vargher (BEWITCHED, VINTERSORG, NAGLFAR) s’émancipa en premier lieu en rejoignant THRONE OF AHAZ, une entité suédoise au line-up plus ou moins stable depuis la première démo de 1992, et magnifiera de ses inspirations mélodiques le deuxième album génial qu’est "On Twilight Enthroned". Mais en 1993, c’est un autre trio avec à sa tête un certain Whortael (qui tiendra la basse quelques années plus tard auprès de THE MOANING, GATES OF ISHTAR et THE EVERDAWN) qui boucle le premier album "Nifelheim". Les errements du label retarderont de près de deux ans sa sortie, "Nifelheim" verra donc le jour au milieu d’autres grandes sorties de l’époque, ce qui, c’est même sûr, n’a pas été à son avantage.

Un peu dommage donc, car pour tout dire, ce premier essai ne démérite pas même s’il ne transcendera pas le Black Metal. Mais qu’y avait-il à l’époque en 1993 comme sortie ? Le "Pure Holocaust" d’IMMORTAL, le "Det Som Engang Var" de BURZUM, le "Those of the Unlight" de MARDUK, le "Under a Funeral Moon" de DARKTHRONE, le "The Somberlain" de DISSECTION, le "Drawing Down the Moon" de BEHERIT, le "Dark Medieval Times" de SATYRICON… voici pour les plus connus. 1993 ne fut pas l’année la plus dense mais marqua un tournant. Trente albums vont sortir cette année-là sur la scène, et si l’on pense à ce chiffre, dérisoire dorénavant, ainsi que par rapport aux années qui suivront, cet enregistrement de THRONE OF AHAZ nous indique en premier lieu qu’ils ont fait partie de l’Histoire avec un grand H et y ont participé je vous prie.

Forcément, je vais vous parler de cet album à la lumière de cette année-là, et il n’y a aucune raison de ne pas le faire. Contextuellement, THRONE OF AHAZ fait partie de cette jeunesse suédoise humectée par les actes violents de l’Inner Circle de leurs voisins norvégiens, les derniers coups de génie de Quorthon, et une scène qui n’écarte pas du tout la mélodicité. Constituant ainsi sa singularité et sa touche inimitable, en 1993 (nous y sommes encore), EUCHARIST, NECROPHOBIC, UNANIMATED, DAWN, OPHTHALAMIA et bien sûr DISSECTION bâtissent les jalons — qui seront respectés — du Black Metal suédois. Et alors, me direz-vous ? Eh bien, "Nifelheim" en contient aussi l’égale semence, quoiqu’un côté un peu trashy reste perceptible.

Vocaux infernaux et bien acérés, du tout bon de ce côté-là et pas qu’un peu, riffs véloces et hantés, une basse bien perceptible et une batterie jamais trop survitaminée nous permettent de raisonnablement nous laisser porter par ce voyage agressif mais jamais allergique à la mélodie. De manière plus ou moins contemporaine, ce "Nifelheim" pourrait ressembler à une mixture congénitale d’un DEMONIC et d’un THE BLACK sur leurs albums respectifs "Lead Us Into Darkness" et "The Priest of Satan", mais à l’évidence la ressemblance avec le MARDUK de l’époque serait tout aussi juste, les blasts en moins. Si les morceaux se veulent assez homogènes et sans riffs tueurs, ils font très bien leur office. L’album passe donc très bien, reste assez stupéfiant si l’on conserve bien en tête qu’il a été enregistré début 1993, et nous montre une partie du terreau originel de la scène du Black Metal suédois.

À la suite de "Nifelheim", Whortael quittera le groupe pour aller s’extasier dans le Mélodeath. Entrera alors dans la danse le sieur Vargher pour nous produire le dernier album de THRONE OF AHAZ, un sacré monument tout de même, le très beau "On Twilight Enthroned". Clap de fin pour une entité remarquable, qui fera la courte échelle aux autres projets de Vargher et de Whortael, et restera dans l’histoire du Black Metal.