L'autre soir, je me refaisais une petite session MYRATH. Visionnage du "Live In Carthage" suivi le lendemain par "Shehili" avant de me faire une petite playlist vite fait d'extraits des quatre derniers albums des Tunisiens. Et j'ai une espèce de curiosité qui me pousse à toujours me demander ce que deviennent les anciens membres d'un groupe. Le pourquoi du comment aussi quelque part, même si étant moi-même musicien professionnel, certains facteurs de départ me sont plus ou moins familiers. Et c'est ainsi, en le voyant diriger un ensemble de percussions tunisiennes sur le "Live In Carthage" que je me suis demandé ce qu'était devenu Saif Louhibi, le batteur des premières heures, qui a quitté MYRATH entre "Desert Call" et "Tales Of The Sands"…

Et bien il n'est pas resté sans rien faire ! En sus des cours de batterie qu'il continue de dispenser, il a rejoint en 2013 une formation tout à fait unique – NAWATHER – qui s'articule autour de l'instrument-roi de la musique traditionnelle tunisienne : le qanûn, sorte de cithare qui se joue à plat, comme on en trouve souvent dans les pays de culture arabe, et d'une manière générale sur le pourtour méditerranéen, ancêtre primitif du clavecin, mais joué aux doigts. L'idée était de mêler au mieux les sonorités et harmonies développées par cet instrument et un chant féminin lui aussi très marqué par la musique tunisienne avec le Metal de culture occidentale.

C'est ainsi que "Wasted Years", prêt depuis déjà six mois au moment il sort en janvier 2016, vient s'affirmer comme une fusion des genres particulièrement réussie. Aucun des deux aspects ne domine jamais totalement, et l'ensemble prend les allures d'un Metal Progressif, que je n'irai pas jusqu'à qualifier de Folk non plus, de peur de faire une erreur d'appréciation quant aux influences musicales reprises pour l'écriture de ce premier album de NAWATHER.

Alors le qanûn est effectivement très présent, mais c'est aussi le cas des percussions, darboukas en tête ("Broken-Winged Bird") souvent alliées à une batterie incroyablement créative, qui accommode les ostinatos Metal aux rythmes souvent complexes de la musique tunisienne. Cela donne un canevas rythmique qui contribue à donner une forte densité à certains morceaux ("Daret Layyem", "Kont Trab") avec parfois des sons auxquels on n'est absolument pas habitué ("Kont Trab"). Les violons, que MYRATH a depuis utilisé à profusion, sont bien là, et je dois dire que le mélange des cultures, s'il fait très "couleurs locales" chez la formation-star du pays, sonne de façon beaucoup plus profonde ici, tant il est fondamental dans le processus créatif. Si fondamental que les textes sont chantés en vieux dialecte tunisien, une forme primitive mélangeant arabe et hébreu, d'où ces relents d'ORPHANED LAND par instants.

Car comme si cela n'était pas suffisant, la guitare a largement son mot à dire, proposant peu de soli totalement mémorables, mais assurant tout de même de beaux duos avec le qanûn (et là je vous dirige vers "Time To Raise The Curtains" qui repose en grande partie sur cette fusion des timbres). Et pour le chant masculin, c'est du côté du growl que l'on sera servi. Et là je dois dire que ce n'est pas forcément le point fort du groupe. C'est honnête, mais ça ne décolle pas le papier. Suffisant en tout cas pour apporter un peu de noirceur, qui souligne la mélancolie qui habite les vocaux de Ryma Nakkach, mais pas assez pour nous laisser de mémorables saillies.

Pas facile de faire tenir d'un bloc tout cela hein ? Et bien aussi surprenant que cela paraisse, et même si pris individuellement certains titres se démarquent plus que d'autres, la palme revenant de mon côté à "Succubus Romance", "Wasted Years" se tient parfaitement d'un bloc, et je dirais même mieux, s'apprécie encore plus pris comme tel. En effet, ce premier album (le Facebook du groupe semble indiquer que de nouveaux morceaux sont d'ores et déjà prêts) est très fluide, suffisamment aéré quand il le faut, suffisamment puissant et vindicatif quand c'est nécessaire (on est plus proche d'un MEZARKABUL que d'un MELECHESCH), et s'écoute d'une traite avec beaucoup de plaisir. S'il peut paraître bon d'être dépaysé de temps à autres, NAWATHER nous propose mieux avec "Wasted Years", même si sa section Metal pourra sans aucun doute encore progresser à l'avenir.

Note réelle : 3,5/5.