Il y a de fortes chances que vous soyez passés à côté de l'existence d'EÏS, énième groupe de Black Metal allemand de la fin des années 2000 aux sonorités proches de ce que DER WEG EINER FREIHEIT ou IMPERIUM DEKADENZ proposent. Ces originaires du Nordrhein-Westfalen ont déjà quelques disques à leur actif, notamment du temps où ils s'appelaient encore GEÏST – changement de nom en 2010 pour des raisons légales, le truc habituel quoi –, dont "Galeere", qui était plutôt une bonne surprise. Trois ans après "Wetterkreuz", premier album composé sous leur nouveau patronyme, les Allemands sortent "Bannstein", un nouvel opus sympathique, même s'il ne réinvente rien.

Légèrement plus mélodique que son prédécesseur, ce disque propose du Black Metal mainstream assez typique de ce qui s'est fait ces dernières années en Europe germanophone : toujours des riffs Black très traditionnels, mais plus de passages mélodiques, plus de claviers, et bien entendu un son de bien meilleure qualité que le bon vieil enregistreur quatre pistes à bandes magnétiques des familles. Chez EÏS, pas de prière au Diable ou autres invocations sulfureuses : ici, l'on retrouve un univers plus porté sur la réflexion, les images poétiques, les récits, que l'antichristianisme de bas-étage. L'atmosphère générale est en effet plutôt axée sur la mélancolie que la haine, ce qui donne à l'album un certain charme.

Si le groupe a un ingrédient qui lui permet de se démarquer des autres formations du milieu, c'est la voix d'Alboîn : d'un timbre plus grave que celui de bien d'autres chanteurs, elle se caractérise aussi de par la clarté relative de sa diction malgré sa sonorité rauque. Au-delà cet élément, peu de choses distingues véritablement "Bannstein" de ce qu'un autre groupe lambda de Black Metal allemand aurait pu faire à sa place. Cinq titres assez longs, pour une durée totale de quarante-cinq minutes ; des riffs efficaces sans en devenir mémorables ; des passages mélodiques agréables, mais sans plus : il n'y a pas de quoi se relever la nuit, mais rien de mauvais non plus.

Ce manque d'originalité est ce qui prétérite le plus cet album : impossible de dire qu'il est mauvais en soi, mais il n'a pas l'étincelle de créativité qui lui aurait permis de briller dans le firmament des grands du Black Metal. Si ce disque avait été le premier du groupe, l'on aurait pu dire que celui-ci avait du potentiel ; or, cinquième venu, il va s'ajouter à ses prédécesseurs sur la pointe des pieds, sans se faire remarquer. Tous les titres se ressemblent en ce qu'ils dégagent invariablement la même atmosphère ; j'aurais bien une petite préférence pour "Im Schoß Der Welken Blätter", qui sort un peu du lot, mais les autres chansons se fondent dans le même moule, exploitant toujours les mêmes éléments musicaux dans leur composition, soit des riffs Black plus ou moins agressifs avec quelques nappes de synthétiseur en guise de glaçage. Une recette qui fonctionne, mais qui a du mal à captiver l'attention sur la durée.

En conclusion, si "Bannstein" est passé un peu inaperçu hors des terres germanophones, c'est peut-être parce qu'il n'y a pas de quoi s'y intéresser outre mesure. Certes, l'album est plutôt bien fait, mais il n'a quasiment aucune personnalité. Ce disque est un bon moment à passer, mais on risque de l'oublier assez vite vu le nombre de productions similaires qui peuvent s'y substituer avec un gain qualitatif certain. Un album honnête en somme, mais rien de plus.