Au détour d’une vieille interview, Nick Holmes et Gregor Mackintosh de PARADISE LOST avouaient de façon collégiale que leur plus grand fantasme musical aurait été d’évoluer dans un groupe qui serait parvenu à combiner le Metal le plus lourd et la musique des géniaux DEAD CAN DANCE. À défaut de s’engager sur cette voie, les hérauts d’Halifax s’inspirèrent des œuvres de CELTIC FROST et des SISTERS OF MERCY comme nous le savons. Vous vous doutez que si nous mentionnons ces faits, cela implique que les Étasuniens de TODESBONDEN ont effectivement tenté cette alchimie rêvée. Il est vrai qu’ils possèdent en la personne de Laurie Ann Haus une chanteuse charismatique et douée pour évoluer dans divers registres, un peu à la manière de Lisa Gerrard. Cependant, si son timbre évoque souvent l’exceptionnelle prêtresse de DEAD CAN DANCE, elle ne fait malgré son talent indéniable que frôler les sommets atteints par son précieux modèle. Il n’empêche, le niveau musical est ici tout à fait élevé et les performances de Laurie ne sauraient laisser de marbre les auditeurs. Le style abordé, se révèle donc très délicat à confectionner et rares sont les combos Metal à s’être aventurés sur ces terrains hostiles avec réussite à la clé cela s’entend. Nous citerons peut-être les Italiens de MONUMENTUM qui bien que différents foulaient parfois les mêmes sentiers fascinants.

TODESBONDEN parvient donc à engendrer des morceaux variés qui voyagent à la lisière du Doom gothique de THEATRE OF TRAGEDY, dans le riche folklore de Loreena McKENNITT ou encore, nous l’avons indiqué, sur les plates-bandes du duo Perry/Gerrard. Un éventail certes enchanteur où le collectif brille par son interprétation sans faille et son ingénieuse science des arrangements. Cependant la qualité des musiciens ne peut éclipser quelques faiblesses dommageables. En effet, certaines parties éprouvent toutes les peines à élever leur propos et manquent de reliefs marquants. En dépit de ces remarques, ceux qui font l’effort de s’imprégner des mélopées intimistes de l'orchestre seront récompensés de leur patience. Un monde onirique de toute beauté s’ouvrira alors devant leurs yeux et un périple captivant en découlera en toutes circonstances.

L’ouverture tragique et majestueuse "Surrender To The Sea", guidée par son piano exalté, partage le même univers que le dramatique et inspiré "Trianon". Le contrasté "Fading Empire" aux refrains galopants mêlera violons et pianos judicieux. Celui-ci rappellera dans ses couplets apaisés l’excellence Folk de l’Australienne Louisa JOHN-KROL. Citons également le solennel et convaincant "Sailing Alone" accompagné de son violon attristé, ainsi que les ballades, comme la celtique "Aengus Og Fiddle" qui marquera surtout par son refrain mélancolique, la mémorable complainte médiévale "Flow My Tears" ou le contemplatif titre éponyme. Les martelés "Surya Namaskara" et "Battle Of Kadesh" sont sans doute les points culminants de l’opus. Leurs ambiances énigmatiques sur fond d’antiques batailles deviennent rapidement incontournables. Les chants psalmodiés et ethniques de Laurie atteignant ici des sphères inespérés. Notre chanteuse s’incarne dans une Sibylle immémoriale narrant les exploits d’anciens guerriers. Le longuet "Ghost Of The Crescent Moon" quant à lui deviendra le seul moment véritablement dispensable au sein d’un album qui compte tout de même des atouts.

Une œuvre subtile dont le pouvoir hypnotique, s’il demeure vif, aurait pu davantage marquer les esprits à l’aide de fulgurances supplémentaires. Un ouvrage façonné par des mains expertes de la part d’artistes ambitieux, dont les mélodies tristes et ancestrales toucheront dans tous les cas les âmes des auditeurs avertis.