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1972 The Only Truth

MORLY GREY - The Only Truth (1972)
Par BAAZBAAZ le 2 Janvier 2015          Consultée 3484 fois

Ce disque est comme un rêve éveillé.

Complexe, insaisissable, épique, il conserve encore aujourd’hui une part de mystère qui ne sera jamais tout à fait élucidée. Comment l’Amérique profonde a-t-elle pu voir émerger une telle œuvre, si atypique, si difficile à classer tant elle oscille en permanence entre Hard Rock, Psyché et Prog ? Et d’ailleurs, quand fut-elle vraiment enregistrée ? En 1969, comme on le crut longtemps, ce qui en faisait un cri prophétique absolument inouï ? Ou bien en 1972, comme on le prétend dorénavant ? Mais même dans ce cas, "The Only Truth", unique album de MORLY GREY, fait figure d’anomalie, se tenant à la croisée des décennies et laissant planer le doute sur son histoire réelle. Ses mélodies flamboyantes, ses guitares féroces et sa production moderne, impeccable, le rendent absolument atemporel.

D’ailleurs que signifie ce titre, accompagné d’une pochette où se devine discrètement un profil christique avec sa couronne d’épines ? On aurait donc affaire à des cul-bénis jouant aux martyrs, à un Rock chrétien pessimiste issu du fin fond des États-Unis… De quoi refroidir les ardeurs. Mais non, rien ne vient confirmer dans les paroles des chansons l’imagerie mystique, finalement assez belle et poétique, que suggère ce dessin. Ces gens-là étaient plutôt des sortes de hippies désespérés perdus loin de la côte Ouest, loin de la mer, inventant dans leur coin – du fait même de leur isolement – une musique syncrétique et personnelle, façonnée au sortir d’un trip qu’on imagine aussi angoissant que gracieux.

La musique, justement… Au fil des ans, elle est devenue légendaire. Une sorte de secret pour initiés, renforcé par le faible nombre d’exemplaires du vinyle d’origine en circulation et par des rééditions fantomatiques s’échangeant à prix d’or. Il fallait une obstination sans faille, avant la grande ère de l’accessibilité absolue due à la dématérialisation, pour avoir le droit d’entendre le contenu de cet album mythique. D’où l’angoisse inévitable qui saisit celui qui y accède enfin : est-ce vraiment un chef d’œuvre oublié ou est-ce l’un de ces innombrables pétards mouillés hérités du passé, dont l’aura n’est en fin de compte que le fruit de la rareté, et non de la qualité ?

La réponse est cinglante. Trois musiciens surdoués, dont un guitariste ahurissant et un batteur cataclysmique (un mutant à mi-chemin entre Keith Moon et Ginger Baker), ont construit ici des chansons en forme d’entrelacs électriques à la fois élégants et puissants. Une dentelle sonore incroyablement subtile, à la structure fragile et cérébrale, faite de changements de rythme, d’ambiances cristallines rompues par des accélérations soudaines. Un peu comme si chaque composition était un édifice traversé d’une tension permanente, défiant les lois de la pesanteur, menaçant sans cesse de s’effondrer mais se projetant le plus haut possible. Une musique vacillante mais énergique et enivrante, empreinte d’une vitalité farouche. Très vite, on est frappé par une évidence : la réputation du disque n’est pas imméritée.

Avec "Peace Officer", démonstration de force et de technique, l’entrée en matière est plutôt abrupte. Comme si le groupe avait choisi de prouver immédiatement sa valeur. S’ensuit une montée en puissance stupéfiante, un crescendo d’émotions brutes à couper le souffle : "You Came To Me", "Who Can I Say You Are" et "I’m Afraid" (au long final planant et envoûtant), avec leurs superbes harmonies vocales, leurs embardées, leurs riffs explosant en soli, sont une sorte de tempête. Pour qu’on retrouve enfin la terre ferme, il faut ensuite le Hard Rock plus sec mais tout aussi ravageur et inventif de "After Me Again" (qui rappelle un peu le "Race With The Devil" de GUN). À des années lumières du Boogie ou du Hard Rock bluesy en vogue dans les 70s, MORLY GREY insuffle à ses compositions une dimension mélodique et mélancolique qui étonne par son côté anachronique.

Puis, à la fin, vient une dernière chanson : "The Only Truth"… Dix-sept minutes sous acides, presque absurdes, aberrantes, comme une provocation ou une insulte. Certains trouveront cela splendide et s’y perdront avec délectation. D’autres, la plupart, n’y verront qu’un tunnel sans issue, interminable, qui ne révèle que la perte de contrôle de ses créateurs. Ce magma, signe d’une époque et de ses excès, sera vu au choix comme une apothéose ou un gâchis. Mais il est devenu indissociable de la légende : MORLY GREY ne pouvait se contenter d’un chef d’œuvre accessible et devait sans doute le lester ainsi pour prouver son audace.

Inconnu ou presque, sans postérité ni influence au-delà du mythe confidentiel qu’il a généré, le groupe n’en mérite pas moins sa place dans l’histoire. Il y a derrière tout cela le CREAM de "Sunshine Of Your Love" et sans doute aussi le MOUNTAIN du magnifique "Theme For An Imaginary Western". Le Hard Rock psychédélique des regrettés Jack Bruce et Felix Pappalardi est donc une clé de compréhension de cette musique... Mais ce qui sidère surtout est que cet album, que personne n’a écouté à sa sortie, semble par avance imprégner tout ceux qui prendront la relève une décennie plus tard : "Our Time", traversée d’un passage instrumental absolument fou, intense, glorieux, n’aurait-elle pu figurer sur les deux premiers IRON MAIDEN ? C’est cette étrange impression de faille temporelle, de décalage, qui rend la découverte de "The Only Truth" encore plus déroutante et passionnante.

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- Tim Roller (guitare, chant)
- Mark Roller (chant, basse)
- Pistes 1 à 5 :
- Paul Cassidy (batterie, chant)
- Pistes 6 à 8 :
- Bob Lanave (batterie, chant)


1. Peace Officer
2. You Came To Me
3. Who Can I Say You Are
4. I'm Afraid
5. Our Time
6. After Me Again
7. A Feeling For You
8. The Only Truth



             



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