Lors de sa sortie, "The Secret Kingdom" avait produit son petit effet chez les amateurs de mélopées cafardeuses. Il faut dire que nos Australiens originaires de Sydney nous avaient concocté un breuvage goûteux au feeling étonnamment européen. Une galette hautement dramatique dotée d’une magnifique pochette, qui attira quelques corbeaux parmi les plus affligés. Précisons que le duo s’était déjà fait remarquer en 1998 avec l’EP "The Final Wish" plutôt recommandable et dont il reprend ici les titres "Desolate" et "Flesh". La recette est donc identique : un Doom Metal gothique, atmosphérique et délicat, accompagné d’un chant féminin accablé et de claviers judicieux. Si Judy Chiara manque de coffre et d’un certain charisme vocal, sa performance assez linéaire se révèle pourtant intéressante et sa voix se marie logiquement avec cette musique habitée. En outre, notre amie est secondée dans sa tâche par des chœurs légers et autres effets secourables. Nos compositeurs ont fignolé leurs pièces jusque dans les moindres détails. Toutefois nous regrettons que Simon Gruer gratouille sans éveiller en nous un véritable intérêt. De plus le son des guitares aurait gagné à être traité d’une façon plus convenable. En effet, celui-ci bourdonne mollement, alors que nous aurions sans doute préféré un zeste de puissance et de finesse supplémentaire.

Mais AVRIGUS touche notre corde sensible dans ses mélodies qui restent d’une terrible justesse. Composées principalement par Judy, elles sont partout, dans les chants, les guitares acoustiques, les notes de piano ou les claviers omniprésents et variés. Les tempi s’engagent dans une lente procession et l’œuvre distille des ambiances quasi religieuses qui semblent émaner d’un sépulcre millénaire. Dans ce domaine le combo ne parvient pas toujours à se hisser au meilleur niveau, néanmoins il reste bien plus convaincant que de nombreux congénères. Car en vérité et nous le savons, peu d’albums ont pu tirer leur épingle du jeu dans ce style pointu.

"Solitude/Salvation" et "Dark Angel Ascension" demeurent des réussites funèbres dotées d’un pouvoir hypnotique conséquent. Le cheminement intérieur qui en découle alimentera l’inconscient des auditeurs happés par le voile du suaire christique. Il en est de même pour l’acoustique et intimiste "Veritas" de toute beauté. Signalons également des titres Dark Ambient qui participent d’une manière relativement efficace à l’unicité de l’édifice, comme les inspirés "Overture" et "Desolate" ou le plus anecdotique "Shade Of My Heart".
Le chant hésitant de Simon sur les couplets de "Qliphoth" sera vite oublié par les refrains poignants et résignés de notre chanteuse. Convenons que Sire Gruer n’est pas Brendan Perry (DEAD CAN DANCE), pourtant la pilule passe, grâce à l’infinie tristesse véhiculée par ces moments. Le monacal "Flesh" tout en retenue, est certainement le point culminant de ce voyage, avec son piano qui s’étiole le long de mélodies désabusées et la prestation la plus significative livrée par Judy.

Malgré ses quelques faiblesses et en dépit de derniers morceaux moins marquants, "The Secret Kingdom" parvient souvent à nous emporter dans son souffle funéraire. Avouons une fois n’est pas coutume, que c’est de sa fragilité qu’il semble tirer sa force évocatrice. Celle-ci, étrangement vivace, saura satisfaire les âmes esseulées et les adeptes des complaintes mélancoliques nocturnes. Un opus appréciable qui contient son lot de sombres prières, lesquelles seront psalmodiées dans les caveaux de temps à autres avec un plaisir coupable.