Etant donné l'immense richesse de sa culture littéraire, cinématographique et bien entendu musicale, il était inévitable que la Russie accoucherait tôt ou tard d'un géant du Heavy Metal. Lorsqu'on écoute les plus grandes œuvres romantiques offertes par ce pays au XIXème siècle, on sait qu'il y avait déjà en terre russe une disposition à composer une musique puissante, virtuose et subtile. Affirmer l'influence classique d'АРИЯ n'a rien de galvaudé. Il suffit d'écouter le titre éponyme de cet album pour s'en rendre compte, ou aujourd'hui jeter une oreille à la tournée "Классическая Ария".
Si le caractère proprement slave de la musique du groupe ne s'affirmera que plus tard et viendra renforcer sa personnalité (et encore, écoutez-donc le riff de l'accélération de "Волонтёр"), on tient déjà là un album remarquable, surtout pour un premier jet. Bien entendu, les influences des ténors du genre se font ressentir et notamment celle d'IRON MAIDEN mais les compositions sont suffisamment inspirées pour ne pas sombrer dans la copie pure et simple.
Ce qui m'avait frappé d'entrée de jeu en découvrant cet album, c'est le son des grattes en lead. Il est à la fois glacé, aérien, mystérieux, larmoyant... Unique, en somme. Trouver son propre "son", voilà déjà une marque d'appartenance aux grands groupes. Et ce son est à l'image des compos, qui relèvent d'un Heavy Metal étrangement délicat, ample et mélodique. Les mélodies, puisqu'il en est question, constituent un des principaux tour de force de "Мания величия". Elles se veulent tout à la fois poignantes ("Волонтёр"), enjouées ("Это рок" et son refrain), confondantes ("Бивни чёрных скал" et son riff à la "The Trooper").
Mais s'il ne fallait retenir qu'un titre, ce serait assurément "Тореро" et son riff solennel, appuyé par la basse de Granovsky qui lui apporte toute sa dynamique. Le jeu de Granovsky nous prouve d'ailleurs qu'АРИЯ a toujours eu de bons bassistes, tant celui-ci parvient à insérer des petits plans qui viennent discrètement enrichir les compos.
Au niveau des solos, on est encore ici dans le haut du panier. Holstinin, qui joue l'intégralité de ceux-ci, s'affirme tout de suite comme un grand guitariste et cela préfigure ses joutes fantastiques avec Mavrin.
Enfin, АРИЯ a eu l’idée de se doter dès ses débuts d’un de plus grands chanteurs du Heavy Metal, j’ai nommé Valeri Kipelov. Et si celui-ci se veut encore timide (mais je pense que la production des parties vocales joue aussi), sa voix confère déjà beaucoup de caractère à la musique du groupe.
On pourrait reprocher à « Мания величия » deux titres légèrement en deçà : "Жизнь задаром" et surtout "Позади Америка" mais ils ne viennent en rien heurter le plaisir d'écoute. "Мечты" est quant elle une très bonne ballade dotée d'un refrain tout à fait rêveur.
Pour un premier essai, "Мания величия" relève du coup de maître, s'érigeant comme un des meilleurs albums de Heavy de 1985, et ce n'est pas la concurrence qui manquait. Ainsi commençait la carrière d'un groupe amené à devenir légendaire et de multiples chefs d’œuvres suivront.
4.5 arrondi à 5
PS: Je souhaiterais remercier tout particulièrement Dark Schneider grâce à qui j'ai découvert ce merveilleux groupe, qui a accompagné mes premiers pas dans le monde du Metal au même titre que MAIDEN. En tant qu'amoureux de la culture russe, cela fut une révélation !