La fraîcheur d'une brise matinale glissant le long d'une sapinière aux reflets blanchâtres porte l'effluve apaisante de l'aube aux narines des premiers caribous éveillés... et les rayons reluisants d'un soleil émergeant de son lit douillet d'aiguillonner les prunelles encore brumeuses d'un écureuil à l'affût du craquètement imperceptible produit par les racines sinueuses, victimes plaintives tapissées d'un manteau laiteux qui les fait souffrir... les fées, créatures facétieuses prodiguées aux forêts idylliques par les thaumaturges vertueux de LEAVES' EYES, sont l'apanage des flâneurs égarés qui patinent gaiement sur l'épaisseur figée des mares ragoûtantes peuplant les paysages chimériques... ceux-là même où y poser un pied peut s'avérer fatal pour celui qui rechigne à se piquer de temps à autres du caprice suave de s'abandonner aux billevesées juteuses d'une fantasmagorie démesurée. Emoussant les souches des arbres d'une nature forte de ses teintes flegmatiques pour mieux y apprivoiser l'armature tonifiante devant les étayer durant leur spectacle, les six instigateurs de ces reliefs rondement élimés, fourbis - pour quatre d'entre eux - de leurs mailles instrumentales maculées exclusivement d'un givre bleuâtre, s'affranchissent en ces lieux minéralogiques d'un souffle féerique aussi rafraîchissant que la couche neigeuse qui s'éploie sous leurs pieds.
Pour autant, moyennant l'effet fallacieux d'un bourgeonnement floral, la divine Liv Kristine, aidée en cela d'une voix angélique pointée d'un accent aux allures septentrionales, ne manque jamais de varier les atmosphères... entre poésie dégoulinant d'un héroïsme opulent et récits aux ambiances moroses relatant de surcroît quelques sauvageries éparses que retient l'Histoire Viking, et aboutissant ainsi sur une étendue luxuriante où les fruits les plus affriolants sont ceux de la diversité. Sourdrant des galeries profondes d'une poitrine bestiale, le vrombissement tumultueux du Yeti Alexander Krull s'essaime dans les abîmes vertigineux qui échancrent l'élégante Terre Norvégienne... et ce, bien que Mathias Röderer, Thorsten Bauer et Christian Lukhaup le fustigeassent à grands coups de gourdins électriques, dès l'instant où ils le débusquèrent... Martin Schmidt, le sixième mage de la confrérie, se contentant depuis qu'elle fut façonnée d'agiter avec frénésie les deux cornes d'ivoire de licorne qu'un forgeron ésotérique lui confectionna...
Dans cet univers d'une richesse spirituelle illimitée où il fait bon vivre, les errances nocturnes à la recherche d'incursions licites dans les profondeurs virginales des forêts où fourmillent des résidants frétillants, applaudissent aux courageux visiteurs en leur conférant une félicité à nulle autre égale... parfois épié d'une myriade d'yeux jaunes surveillant leur territoire, le promeneur oisif venu coudoyer l'éclat vivifiant des étoiles, de l'épiderme raffermi par le contact des flocons clairsemés (le beau "Vinland Saga" et le majestueux "Leaves' Eyes" en sont les témoins les plus enivrants), aux franges capillaires hérissées par les salves intempestives de grêlons fulgurants ("Farewell Proud Men"), ne saura trouver insultant d'être hasardement projeté dans la pénombre d'une caverne patibulaire, domaine ayant vocation à abriter le Yéti versatile et trépignant, couramment en litige avec son antagoniste moraliste qui aime à édicter ses préceptes ("Solemn Sea" & "The Thorn")... et cela quand on n'est pas happé sur le dos voûté d'un pygargue ensorcelé planant au-dessus des mers de glace au gré des arcs électriques contrôlés par Mathias Röderer et Thorsten Bauer, et des flux aquatiques - oeuvre d'un mystérieux claviériste -, contournant ainsi les fameux cimetières de mammouth qui drapent la surface d'un sol écrêté, afin de cerner le foyer attendrissant d'une loutre pénétrant de justesse dans la lisière d'un bosquet avoisinant (les superbes "Elegy" et "Misseri (turn Green Meadows Into Grey)")... ou encore la sirène des neiges d'entonner un chant lyrique pour mobiliser les incubes qui s'évertueraient à ravir quelque demoiselle écervelée (les romantiques "Amhrán (song Of The Winds)" et "Mourning Tree")... aussi, le culte liturgique des druides nordiques a-t-il de quoi tourmenter les plus pusillanimes des voyageurs ("New Found Land")...
Ainsi donc, la tête aérienne et ragaillardie par cette épopée périlleuse, sortant du songe où je me réfugiais et ouvrant des yeux hésitants sur le crépuscule qui s'engouffre dans la pièce dont j'avais oublié jusqu'aux contours, je laisse les derniers rais solaires ("Twilight Sun") se rappeler à l'eldorado glacial qu'ils avaient eu l'autorisation de déserter pour m'accompagner l'espace de l'instant fugace que fut mon échappatoire... l'examen rétrospectif des événements fraîchement révolus affiche avec douleur le caractère fade d'une réalité que trop absconse pour être attestée par mes sens meurtris... et de ce fait, l'assoupissement octroyé par un "Ankomst" à la tautologie exacerbée se révèle être la meilleure des alternatives pour atteindre au plus vite le seul projet qui me tient désormais à coeur : rêver à nouveau...