Perle noire de la discographie du Rÿche, cet opus plus que tout autre est celui qui a donné ses lettres de noblesses voire un sens au terme « concept album au sein de la confrérie heavy metal. Aussi émouvant et profond que le sublissime « The Wall » des Floyd, « Operation Mindcrime » vous propose un véritable récit 100% immersif dans une version d’un futur sombre et alternatif. Bruce Dickinson lui même avouera quelques années plus tard que le pourtant excellent « Seventh Son Of A Seventh Son » sorti la même année ne peut être qu’un gallos d’essai face à l’expérience proposé par une telle œuvre.
L’histoire, sans en réveler toute l’intrigue, vous propose de vous faire vivre le traumatisme vécu par un jeune homme laissé pour compte au sein d’une société déshumanisée, embrigadé dans une société secrète à vocation révolutionnaire. La force de cet album est de prendre l’auditeur aux tripes de lui faire littéralement vivre ce drame humain en y injectant une tension émotionnelle de tous les instants. De fait on est transporté par l’appel à la révolution de l’hymne absolue qu’est « Revolution Calling » et son intro post apocalyptique, l’on ressent la ferveur au contact du speedé « Speak », la tension ressentie par notre héros au cours de l’épique « The Mission », on est essouflé pour la course poursuite « The Needle Lies », brisé par la douleur lors du choc « Electric Requiem / Breaking The Silence » et finalement sans voix par un final à la « Usual Suspect » avec l’issue d’un « Eye Of A Stranger » à la fin duquel tous les secrets vous seront révélés. Mais réduire cette œuvre à cette seule lecture ne peut que paraître réducteur. Ainsi, plus on prend de la distance, plus on mesure le caractère visionnaire de l’envers du décor du story board où l’on perçoit les dérives d’une société de surconsommation comme peuvent l’être les Etats-Unis (à ce propos après les tragiques événements du 11 septembre, une écoute approfondie de l’album ne peut que provoquer un certain malaise…), la solitude à travers l’état dépressif du héros / narrateur (grand drame de nos société moderne), la dénonciation des dérives sectaires et le populisme sous toutes ces formes, chemin le plus court pouvant mener au terrorisme ainsi qu’au totalitarisme. Bref, une œuvre d’une grande complexité avec plusieurs niveaux de lecture, signe d’une certaine maturité mais accessible à tous tel les grands romans d’anticipation d’auteurs comme Barjavel par exemple.
La production tient, elle aussi, de l’exceptionnelle. Justice est rendue à tous les instruments, la voix de Geoff Tate domine cette cathédrale sonore aux arrangements à la fois subtils et parfaitement intégrés (l’ouverture « Remember Now » vous déconnecte d’entrée de jeu, le coups de téléphone du title track « Operation Mindcrime » vous fait sursauté, le « I Remeber Now »participant pleinement à l’entreprise d’immersion souhaitée par le groupe. Album de la consécration artistique, doublé d’un succès commercial non négligeable (disque d’or au states lors de sa sortie), ce disque reste la référence pour bien des fans des cinq de Seattle. Un grand classique à l’écho considérable sur l’industrie musicale.
