QUEEN est l’une des formations Rock les plus populaires du monde. Le succès mondial du film "Bohemian Rhapsody" aura fait gagner à ses derniers une nouvelle génération de fans, de celle que les Anglais vont pouvoir intéresser durablement grâce à un répertoire polymorphe (en témoigne la parution des trois volumes des "Deep Cuts" qui cherchaient à sortir du sempiternel best-of). Mais ce qui compte aujourd’hui c’est le collector ; la plupart des amateurs de QUEEN possèdent déjà sa musique, sur un support ou l’autre. QUEEN est donc obligé d’aller fouiller dans ses archives pour trouver de quoi satisfaire le fan.

Et depuis 2014 on peut dire que c’est la fête entre la parution de titres inédits et de Lives officiels des années 70 (des pièces d’orfèvrerie dans les deux cas). Mais surtout le coffret des quarante ans de "News Of The World" aura servi de crash test (en plus de donner une scénographie très impressionnante à QUEEN + Adam LAMBERT), et le groupe aura vraiment fait un grand pas en avant avec "The Miracle Collector’s Collection" dont on savait depuis longtemps les sessions très riches.

Ici Roger Taylor et Brian May ont encore poussé le curseur d’un cran, en remixant carrément son tout premier album, insatisfaits depuis une éternité par sa production très sèche et le traitement de la batterie. C’est que la technologie permet beaucoup de choses, comme les BEATLES l’ont démontré avec la sortie de "Now And Then". Ainsi le casque vissé sur les oreilles j’ai disséqué la sortie anticipée de "The Night Comes Down" ; clairement pas le titre le plus abordable de ce premier album, et qui présentait la particularité d’avoir été enregistré plus tôt entre fin 1971 et début 1972 aux De Lane Lea studios, et inséré dans les bandes enregistrées au Trident (à savoir tous les autres titres sauf un, j’y reviendrai). S’il y avait bien un titre qui pouvait sonner live c’était celui-ci. Bref, une batterie plus tonitruante, des guitares plus détachées et un mix plus ouvert font malgré tout perdre un peu de ce côté crépusculaire de l’original.
Mais ce nouveau mix a quand même bien des qualités. Si certains morceaux ne connaissent pas d’amélioration considérable ("My Fairy King") la plupart des titres sont transfigurés, à commencer par "Great King Rat" encore plus jouissif ou "Liar" d’une brutalité contagieuse. Le "Modern Times Rock’N’Roll" de Roger Taylor prend une autre dimension quasi Punk avant l’heure, et le mix nous permet même d’observer que Freddie avait enregistré un peu de piano dessus.

Mais le principal intérêt de ce coffret se trouve dans les inédits. Et "Mad The Swine" que beaucoup de fans connaissaient soit par la compilation "In Nuce" ou comme face B de "Headlong", retrouve la place qui avait été envisagée pour lui entre "Great King Rat" et "My Fairy King" avec lequel la jonction est juste parfaite. Et son nouveau mix lui donne une ampleur QUEENesque qu’elle n’avait pas encore connue. J’ai pleinement intégré sa place dans l’album, d’autant qu’elle met l’accent sur le fait que le premier album de QUEEN possède sur beaucoup de ses morceaux ce mélange de guitares acoustiques et électriques qui donne des textures particulières. Et à cet égard, "The Night Comes Down" fut le premier titre sur lequel les quatre membres de QUEEN ont travaillé en studio.

Petite interrogation néanmoins sur le traitement de ce remix qui pointe à l’écoute du deuxième CD qui contient la fameuse démo de cinq titres enregistrée aux De Lane Lea studios. Ces démos étaient disponibles en bonne qualité sur le remaster de 2011 de "Queen" effectué à partir de l’acétate que conservait précieusement Brian May. Mais ici elles ont été carrément remixées pour ce coffret, et je dois dire que c’est un essentiel, un trésor même ! On comprend devant la qualité de ces prises et leur qualité live, tant d’un point de vue du son que des dynamiques, pourquoi Roger Taylor notamment aura pesté pendant cinquante ans sur le son de batterie très sec des studios Trident dans lesquels "Queen" sera réalisé. Alors certes y a de la correction et du bidouillage de studio moderne qui est passé par là, mais c’est franchement pour le mieux, et ces versions déjà sacrément abouties (en particulier "Keep Yourself Alive" et "The Night Comes Down") valent bien leur pendant « officiel » si je puis dire. Et dans le cas de "The Night Comes Down" c’est même un peu surprenant, car elle sonne mieux à mes oreilles que celle du Mix 2024 du premier cd.

Ce coffret souffle, avec le recul, le chaud et le froid, mais de manière intelligente. Car comment expliquer cet écart ? De même, le "Seven Seas Of Rhye" qui conclut l’album est rigoureusement le même inclus au cd des instrumentaux. Mais la logique consistant à proposer des versions alternatives de l’album sur chaque CD va en ce sens. Râlons et passons rapidement sur le CD 5 qui ne fait que recompiler tous les titres du premier album joué lors des quatre premières sessions, déjà disponibles sur "On Air".

Le CD live est à la fois jouissif (la qualité du "Live At The Rainbow ’74" parle une nouvelle fois) et donne encore cette impression de redite. Mais le groupe nous a gâtés avec l’un des rares enregistrements live connus de "Jesus" datant de 1970 !!! Si la prise est clairement plus brute, en le voyant comme un document historique et en appréciant sa valeur, elle est presque mineure quant à la présence de "I’m A Man", un inédit dont on se demandait s’il avait été ne serait-ce qu’enregistré live. Et c’est aussi la première sortie officielle de deux titres sur lesquels Barry Mitchell est à la basse ! Mais je crois que les plus belles pépites sont ces prises extraites du concert de San Diego (tournée "A Night At The Opera"), à savoir un "Doing All Right" mené de main de maître et surtout "Hangman" !!! Cet autre artefact des débuts du groupe, jamais enregistré (quoique des doutes subsistent quant au fait que le titre ait été testé comme une prise studio, pour "A Day At The Races" ou "News Of The World" sur lequel il n’aurait pas dépareillé), est taillé pour le live, et son accélération à mi-course est redoutable, façon "Stone Cold Crazy". Cela donne envie d’accéder à un Live complet de cette tournée 1976…

Mais comme sur "The Miracle Sessions", le cœur de ce coffret réside dans la compilation de prises alternatives ou de morceaux en cours d’enregistrement. Et entendre les membres du groupe se vanner, se tromper, mais aussi exécuter avec un niveau de préparation assez dingue leurs backing tracks, c’est vivifiant, et nous permet de faire un voyage dans le temps et l’espace entre la cabine d’enregistrement et le studio où sont les gars ! De Brian, qui reprend « Bulsara » au début de "Mad The Swine", à Freddie, très précis dans ses indications et repérant le moindre break non joué comme il l’entend, ou encore le même peinant à capturer le groove de piano de "My Fairy King". On se rend compte aussi que certains solos de Brian May sont en fait des mélodies écrites par son défunt chanteur (sur "Great King Rat", il les chante quasi toutes). C’est clairement le disque que j’ai le plus écouté des six.

Si le groupe ne nous ressort ne serait-ce que la moitié de trésors de ses archives pour une future box consacrée à "Queen II", je ne répondrai plus de rien ! Après le boulot effectué sur ce premier album et "The Miracle Collector’s Collection", j’ai vraiment hâte d’en savoir davantage, en espérant que le rachat du catalogue par Sony n’entrave pas cette série de sorties qui soignent véritablement les fans de la Reine !