Le printemps : ne serait-ce pas là la saison idéale - profitons-en encore tant que les conditions climatiques le permettent - pour sortir un album vivifiant et plein de fraicheur ? Prophecy Productions et son vieillissant poulain semblent en tout cas l'avoir bien compris. Car laissez-moi vous prévenir les amis, terriblement accrocheur, ce nouvel IN THE WOODS... semble tenir toutes les promesses d'un avenir bourgeonnant. Définitivement progressif depuis quelques années déjà, le groupe place fièrement cet "Otra" et ses hits en puissance dans les bonnes surprises d'une année 2025 qui, de mon côté, en termes de sorties réellement marquantes, peinait à démarrer.

De sa première et verte incarnation (1991-2000), à jamais gravée dans le marbre par un avant-gardiste trio de joyeusetés sur lequel nous nous permettrons pudiquement de ne pas revenir ici - le groupe ayant depuis belle lurette scié la branche qui l'a vu tomber du nid -, il ne reste plus grand monde. Depuis sa reformation (2014), exit les frères Botteri, seul demeure Anders Kobro (batterie) du line-up original, actuellement assisté par une nouvelle paire de guitaristes dorénavant à ses aises, et le tout fraichement embarqué Bernt Fjellestad (ex-GUARDIANS OF TIME, anecdotique formation de Power Metal s'il en est). Plutôt constant sur sa seconde partie de carrière, IN THE WOODS..., sortant des albums travaillés et de qualité, n'était pas non plus - il faut bien le constater - un cador au moment de marquer indélébilement les esprits. Si intéressants et bien fichus pouvaient-ils être, il manquait parfois à ces disques, ce je-ne-sais-quoi de revenez-y nécessaire à pleinement les approfondir. Mais ça, s'était avant.

Car si, sans grande surprise, le groupe s'en tient à ces clinquants relents proggy post-reformation, misant sur ses mid-tempi âpres et crépitants, une étape est ici entérinée avec une conviction toute norvégienne. C'est bien simple : quasiment tout fonctionne du long de ces sept titres nouvellement composés (agrémentés de quatre bonus tracks en version 'Deluxe') pour une durée idéale de quarante-six minutes. Immédiat, mais jamais surfait, "Otra" s'avère incontestablement une fraiche et franche réussite !

Au détour de mélodies finement ciselées, de refrains qui percutent, la force évocatrice de ce disque est certaine et ce, dès que viennent pleinement s'exprimer les premiers riffs de "The Things You Shouldn't Know". La dualité de "The Crimson Crown", l'entêtante introduction de "A Misrepresentation Of I" et celle, écrasante, de "Let Me Sing", la plupart des courts solos inspirés ("The Things You Shouldn't Know", "Let Me Sing", "The Crimson Crown"), les effluves acoustiques qui nous parviennent en pleine mure (l'intro d'album, l'ultime "The Wandering Deity") ou encore les riffs plus appuyés qui savent apparaitre ici et là, transforment vite ce disque en une véritable pépinière mélodique. Les écoutes se suivent et prennent progressivement sens. Les graines précédemment et intelligemment disséminées portent leur fruit, happés que nous sommes par cet univers tout d'ocres et de bistres qui se révèle ici. Mention spéciale et imparable aux mélodies de "The Kiss And The Lie" qui se font d'intelligents échos à celles de "A Misrepresentation Of I" découvertes un peu plus tôt.

Et tandis que s'égrènent les minutes, les printaniers atours du disque font petit à petit place à la rigueur des automnes septentrionaux, pour finalement atteindre un inattendu climax hivernal sur ce "Come Ye Sinners" véritablement hanté. Car à bien tendre l'oreille, c'est une certaine et tragique sensibilité qui plane sur l'œuvre… de prime abord estompée par les rayonnants titres d'ouverture, certes, mais ces "Let Me Sing", ces "The Crimson Crown", jusqu'à cet implacable et rigoureux "Come Ye Sinners" avec son riffing qui tourne extrême en sa seconde partie, ne sauraient nous leurrer. C'est toute une vibe old-school (et le grand émoi qui ne manque d'y être associé) qui s'éveille lorsque ITW accélère ses tempos et durcit le ton. Le ton, ET les vocalises du père Fjellestad ! Déjà, le gars est imparable en chant clair, et si l'on pouvait gentiment sourire à l'idée d'un Poweumétaleu en frontman chez IN THE WOODS..., attendez de découvrir la qualité de ses vocalises extrêmes et habitées ! Ces dernières savent très savamment souligner le propos des textes, sans jamais paraitre forcées ni rédhibitoires (pour peu que vous soyez réceptif à l'approche, bien sûr). "Come Ye Sinners", "The Kiss And The Lie", "Let Me Sing", on est là sur du top-niveau qui met (ou conserve) IN THE WOODS... sur un pied d'égalité avec ses confrères stylistiquement proches (GREEN CARNATION, ou BORKNAGAR au hasard… mais pourquoi pas un AMORPHIS des 2000, je laisse trainer l'idée) ! Croyez-moi, "The Wandering Deity" compris, ce cru 2025 des vétérans norvégiens laisse en transparaitre, des émotions, et tout cela contribue à faire de "Otra" une véritable explosion de saveurs en puissance.

Les quatre bonus tracks, de bonne facture, s'inscrivent dans la continuité des morceaux précédents, sans être indispensables au disque, mais réussissent indubitablement à prolonger le plaisir de l'écoute, là où les sept titres, il faut l'avouer, passent rudement vite.

Je parlais en avant-propos de ne pas exposer davantage le IN THE WOODS... post-reformation à son glorieux passé des 90, par manque de sens, notamment, tant l'univers des Norvégiens a su évoluer. Si à aucun moment il ne s'agit d'invisibiliser cet âge d'or révolu, vous constaterez très vite que le groupe n'a à aucun moment besoin d'ériger une quelconque ligne de défense face à un héritage trop lourd à porter. C'est un fait, le IN THE WOODS... nouveau sait se suffire à lui-même, et cet "Otra" au cachet certain en est un très solide témoignage qui devrait faire date au sein d'un paysage 2024 guère tumultueux et d'une discographie désormais conséquente...