Au doux temps de la jeunesse du duo, URFAUST était un sombre présage grimaçant, labyrinthique et tortueux qui prenait de l’envergure à mesure que croissait sa discographie. Le visage des Hollandais comportait déjà pourtant les stigmates de la noirceur et les traits de l’épouvante dès leurs tous débuts, et, non content de faire flirter leur Black Metal avec un Doom dégoulinant de cruauté, IX et VRDRBR y instillèrent aussi de temps à autre leur amour pulsionnel pour le Dark Ambient. Ce second album, "Verräterischer, Nichtswürdiger Geist" (= "Esprit traître et indigne") allait pourtant amorcer la descente ténébreuse d'URFAUST sur ce qui allait faire sa grande singularité : celle d’un Black Metal Lo-Fi lancinant et brumeux, aux structures sonores épurées, aux tempos lents voire hypnotiques.

Et le chant si original de IX fait des ravages et nous captive rapidement. Alternant entre des hurlements hallucinés et cette voix claire, lyrique, singulière et chantée sous forme de déclamations ou d’incantations opératiques alcoolisées, biberonnées au stupre et au salace, scandant liturgiquement et mélancoliquement la descente et la plongée interne dans les abîmes du Moi, cette voix de baladin décadent pose l’un des jalons qui feront la grandeur de URFAUST. Le jeu de batterie franc, précis et envoûtant de VRDRBR est, lui aussi, une de ses particularités qui rend si enivrant l’œuvre originale des Hollandais.

"Verräterischer, Nichtswürdiger Geist" est encore un album qui tâtonne un peu et se veut aussi assez expérimental, du moins dans ce qu’il propose. En effet, trois longs titres Ambient vont émailler l’album et présentent les turpitudes d’un violoncelle avec "Dunkel, Still Von Ewigkeit", les éclats symphoniques mélancoliques ("Trauerhöhle") ou le cauchemar Dark Ambient d’un orchestre qui s’annonce wagnérien à la toute fin de "In Den Weiten Öden Räumen". Mais ces trois pièces ne me plaisent que moyennement. Leur côté cinématographique correspondrait bien mieux à une bande originale d’un film à suspense, voyez-vous. J’ai un peu de mal à saisir leur placement au sein de la tracklist et l’intérêt qu’elle présente tout simplement.

Hormis cela, les quatre autres titres restants sont imparables et sont devenus des classiques qui ont été tous repris et remastérisés pour l’occasion de la sortie, sept ans plus tard, de la terrible compilation "Ritual Music For The True Clochard". Bien plus que sur le premier album, ces quatre morceaux sont absolument remplis d’un poison vicieux et volatile qui entrera en vous par le son vénéneux des rythmes syncopés, de tempos lourds, des riffs grisailleux et du jeu ensorcelant de IX. Première pierre « tombale » du duo hollandais, "Verräterischer, Nichtswürdiger Geist" est une plongée sensorielle et expérimentale volontaire dans la damnation. Nietzschéen, gnostique, ésotérique et nihiliste, URFAUST entame sa traversée céleste et spirituelle pour confronter l’homme à un absolu dévoyé dans un désespoir majestueux.