C’est un peu avec ce genre d’album que je ne me languis jamais de rester un curieux incorrigible, assoiffé de nouvelles aspérités sonores, et que je continue à n’avoir aucun remords à consacrer autant de temps, inlassablement, aux écoutes des nouveautés ou de ce qui me paraît intéressant de découvrir des années passées du Black Metal. NEURASTHENIA est inconnu au bataillon, et ce onemanband n’a même pas de fiche au sein du mastodonte Metal Archives. L’album est une signature du label italien Canti Erecti, et pour avoir écouté une interview récente de cette tête pensante mystérieuse sur un podcast de "Le Masque Et L’Enclume", autant vous dire de suite que peu d’informations supplémentaires n’ont pu transpirer de cet échange. L’auteur est français et son accent pourrait évidemment un peu le trahir, mais là n’est point l’essentiel.

D’emblée, ce Raw Black symphonique nous hypnotise par la présence sinistre et majestueuse de nappes de claviers particulièrement obscures et sournoisement intégrées au mix, avec une primauté spectrale et saisissante. La production, à la fois scintillante (on n’est pas loin d’aigus à vous faire saigner lentement les oreilles) et envoutante, constamment nous maintient dans un entre-deux toxique où notre conscience nous échappe pour les ordres de la rêverie. En écoutant ce très bel album, ma mémoire sensorielle me fait associer aux œuvres de Swartadauþuz et d’Esoterica, notamment avec les projets SECRETS, mais surtout RINGARË. NEURASTHENIA, cependant, reste éminemment singulier, mais la course de ses claviers pourrait nous ramer à ces projets d’envergure. La seconde partie de "Où Mon Âme Enchaînée Rompra Ses Cris", ou bien encore le titre suivant "Perdu Dans Une Sphère", nous permettrait d’illustrer ce propos ou cette intuition. La richesse symphonique rêvasseuse, mais jamais grandiloquente, est définitivement une très belle plus-value du projet NEURASTHENIA.

Les vocaux très acérés du sieur énigmatique participent également à cette puissance envoutante, bien mis en branle tout du long de la grosse demi-heure de "Une Lueur Pâle Sous Un Ciel Irréel". Ils ne manqueront donc pas de nous mordre l’âme de leurs vociférations agressives. Le riffing efficace est, sur cet album, proposé un peu en arrière-plan, comme pour soutenir et densifier le magma de reverb qui se dresse devant nous. Cela fonctionne vraiment très bien. Les titres restent précis dans leurs ambiances, malgré un brouillard sonore à couper au couteau. Si les deux premiers titres sont d’une excellence noble, je jette aussi mon dévolu sur "Et Si Ce Combat N’Est Qu’Un Cycle Maudit", qui m’envoie ses fragrances mélodiques typiques des 90's et que le très prolifique et doué Swartadauþuz utilise à merveille dans nombre de ses projets de Black symphonique (TROLLDOM, GARDSGHASTR, GNIPAHÅLAN…).

Six titres constellent sur ce disque et communiquent tour à tour leurs échanges gazeux, emplis de présences fantomatiques, de mélodies noirâtres gorgées de nuit. Amis du crépuscule et des ténèbres nocturnes, soyez donc assurés que ce premier album de NEURASTHENIA vous contentera. Son pouvoir émotionnel est puissant, tout autant que son aura. Uniquement sorti en format digital jusqu’à présent, l’auteur mystérieux vient pourtant de faire paraître récemment une cinquantaine de cassettes du précieux album, autant dire qu’il vous faudra convenir des désidératas de NEURASTHENIA. Mais cela vaudra le coup, du moins si vous appréciez le Black Metal symphonique lugubre et vampirique à souhait.