Depuis la sortie de cet album en 2008, je n’ai jamais oublié cette créature féline capable de vous mordre à la moindre vocalise, quelque part entre Ronnie James Dio et Tina Turner, quand bien même il serait réducteur de s’arrêter à une bête comparaison vocale. Cela fait des années que j’ai pour projet de vous parler de l’album solo que la vocaliste de BENEDICTUM devait sortir chez Frontiers, mais aujourd’hui c’est tant par souci de satisfaire la demande de Belingo que l’occasion qui m’a été donnée de régulariser en CD ce "Seasons Of Tragedy" (Gibert Saint Michel, à jamais les meilleurs !) que je rédige enfin cette chronique prévue de longue date, de tellement longue date que John Duff lui-même commençait à s’impatienter.

Les deux acolytes qui structurent BENEDICTUM ce sont Pete Wells et donc Veronica Freeman. Les deux ont fait les quatre cent coups, parvenant à sortir un album avec leur groupe MALADY en 2000, avant de fonder REGIME qui deviendrait BOUND puis BENEDICTUM. Le nom n’était pas un sujet qui passionnait particulièrement le groupe, sa musique beaucoup plus. Après un premier disque signé chez Locomotive, à la faveur des conseils et des avis très encourageants de Craig Coldy (DIO, qui connaît Veronica depuis très longtemps), qui par son entremise amènera à la rencontre avec Jeff Pilson (DOKKEN, DIO, puis FOREIGNER à cette époque ça aura son importance), les Américains auront à cœur d’affirmer leur identité sur ce deuxième effort, et ils devront dans le processus se séparer de leur batteur pour divergences musicales précisément.

BENEDICTUM est le projet de Pete et Veronica on l’a dit, et même si ce n’est pas encore évident sur ce deuxième disque, la section rythmique est certes nécessaire pour donner corps à sa musique (Paul Courtois, qui laisse apparaître ses influences issues du Prog, régale tout au long de "Seasons Of Tragedy" mais elle n’intervient pas fondamentalement dans le processus créatif. Avec une production moderne et un mixage de Tommy Henriksen (à l’époque futur guitariste d’ALICE COOPER), l’attente depuis "Uncreation" valait le coup. C’est que Jeff Pilson est très occupé, et le groupe, fondamentalement convaincu d’avoir un album très solide, devra attendre courant 2007 que le bassiste-chanteur puisse se libérer de FOREIGNER pour venir bosser sur le disque. Visiblement convaincu lui aussi, il propose à un groupe fan de Heavy Metal d’additionner à sa prestation sur "Balls To The Wall" celle de son ex acolyte de DOKKEN George Lynch. Et lui-même semble suffisamment convaincu pour poser un deuxième solo, sur le solide "Bare Bones".

Je parle beaucoup de solidité, de fiabilité, et "Seasons Of Tragedy" c’est ça. Comme une marque réputée pour sa fiabilité et qui sort un modèle qui renouvelle son approche sans sacrifier à sa réputation. De par sa production et sa façon d’écrire, BENEDICTUM est un reflet de son époque, il sonne moderne, sombre, assez rêche et œuvre dans le sillage des formations qui ont intégré le Groove Metal à leur langage, je pense à NEVERMORE en particulier. Et pourtant, il y a une vibration Heavy old school assez prégnante, qui tient tant à la structure des morceaux, que leur interprétation et leur teneur mélodique.

Et il faut bien évidemment pour en parler s’attarder sur le chant de Veronica Freeman. C’est que cette nana a un chien irrésistible en proposant des textes qui savent à la fois marier les thématiques historiques du Heavy Metal, tout en les rattachant à des points de vue et des ressentis très intérieurs ; peut-être là une plus-value d’avoir une nana à la manœuvre ? Toujours est-il que la traduction vocale ne peut laisser indifférent. Car si l’album est très bien composé et propose son lot de riffs qui arrachent, les différentes teintes que va apporter Veronica font toute la différence. Agressif, parfois quasi growlé, très mélodique, impliqué, la voix de Veronica appuie les moments de tension, les envolées et jauge avec maestria. Elle s’autorise même sur "Steel Rain" un chant dénué de saturation dans lequel elle est une nouvelle fois plus que convaincante. "Seasons Of Tragedy" qui tente la pièce épique des dix minutes s’en sort extrêmement bien et le riff de "Beast In The Field" fait immanquablement bouger la nuque. Ce deuxième effort de BENEDICTUM est ainsi sans conteste une grande réussite qui crédibilise le quartette sur la scène Heavy Metal, déjà adoubé par des musiciens emblématiques du genre, prêts à apposer leur patte sur les sorties du groupe (même s’il était encore vivant à l’époque, c’est tout de même tout un symbole d’avoir Craig Coldy qui vient jouer les solos sur la reprise de "Catch the Rainbow".

On a beaucoup parlé de ce disque à sa sortie, et j’avais l’impression à l’époque que ce n’était pas nécessairement pour de bonnes raisons ; l’émergence plus appuyée des femmes dans le Metal, portée par un ARCH ENEMY au sommet de sa gloire, et l’explosion quelques années plus tôt du Metal Symphonique à chanteuse. On avait jusque-là des chanteuses surtout lyrico-popisantes ou carrément, quand bien même elles étaient minoritaires, des growleuses (Candice de ETHS, Angela Gossow pour ARCH ENEMY). Les chanteuses "à couilles" comme on pouvait dire, elles étaient peu nombreuses capables des performances de Floor Jansen par exemple. Et la sculpturale Veronica Freeman me semblait faire parler tant pour son imposant bagage mammaire que pour la particularité de sa voix râpeuse qui rappelait Ronnie James Dio. J’ai relu des interviews d’époque qui manquent cruellement de finesse, où on se permettait de poser à la leader des questions qui n’auraient jamais été posées à un homme… Mais il en ressort, avec le recul des années aidant, que "Seasons Of Tragedy" fait partie des sorties Heavy Metal remarquables de 2008.