Très chers frères et sœurs Métalliques, je m’apprête ici à commettre un horrible blasphème ! Car comment ne pas chuter dans la fange de l’hérésie la plus crasse lorsqu’on ne pose pas le genou à terre, qu’on ne plie pas humblement l’échine ou encore qu’on ne joint pas des mains tremblantes et toutes maculée d’encens, devant l’autel où trône le mythique chapitre 2 pondu en 1979 par le sextet sudiste MOLLY HATCHET ? L’incontournable, l’indéboulonnable et le graphiquement inoubliable (merci Mister Frazetta!) "Flirtin’ With Disaster" qui, faut-il le rappeler dans ce temple du savoir qu’est NIME, n’est ni plus ni moins que l’opus le plus vendu du combo toutes époques confondues…
Aussi, avant d’essuyer une pluie de cannettes de binouze sur ma petite caboche de progueux obtus, j’aimerai faire valoir quelques (mauvaises) raisons pour lesquelles je ne me suis pas fait tondre gratis par les Saintes Guitares Swingantes de Dave Hlubek, Duane Roland et Steve Holland à l’écoute de cette relique 100 % pur Rock Sudiste :

1. Le Grand Maître du Metal nous prive régulièrement d’apéro, voire oublie de nous verser nos mirifiques salaires de bénévoles si nous ne complétons pas studieusement les discographies entamées ! Et tu remarqueras, Ô lecteur méticuleux, que l’immonde The Marginal avait bien sournoisement évité de se coller à la suite de l’incontournable premier-né de 1978… le taquin !

2. Comme l’expose avec force détails ma kro ad hoc, j’ai personnellement biberonné aux mamelles généreuses et éthyliques d’un "Beatin' The Odds" (1980) où la voix d’un Jimmy Farrar, prenant alors le relais de Danny Joe Brown ayant momentanément jeté l’éponge pour raisons de santé, me guidait lors de ces premiers attouchements métalliques…

3. Casser des mythes et déboulonner les statuts d’idoles sur NIME, on s’en fout, on est libre !

Mais revenons donc à notre brillantissime gang de Jacksonville et à ce cru sans doute un chouïa surestimé de 1979. Forts de leurs (réels) talents, d’un retour en grâce de l’iconographie bluesy sudiste à la hargne renforcée par des guitares particulièrement véloces, sans oublier le très opportun appel d’air provoqué par le brusque retrait des affaires des survivants du crash de LYNYRD SKYNYRD, on comprend aisément pourquoi les membres de MOLLY HATCHET se retrouvent enivrés par l’avenue de popularité qui s’ouvre devant eux ; succès enclenché par un premier album éponyme sorti en 1978. Celui-ci, mélange harmonieux de Blues Rock mâtiné de Folk sudiste à la sauce métallique, dispose en effet d’arguments très convaincants qui font rapidement entrer les Américains dans la cour des grands ! Voilà t’y pas nos Outlaws alors bien pressés de sortir un chapitre 2, histoire d’attaquer la bidoche tant qu’elle est encore chaude et que la sauce n’a pas eu le temps de figer.

Côté recette, on reprend sans états d’âme les ingrédients qui ont fait le succès du grand frère : une illustration joliment tapageuse de Frank Frazetta (symbolisant au plus juste l’esprit conquérant du combo !), une musique électro-swingante à ravir aux figures bluesy survitaminées sur lesquelles on a bien du mal à ne pas taper du pied, des instrumentistes volontaires et loin d’être manchots, le tout couronné par la voix basse faussement traînante et légèrement nasillarde d’un Danny Joe Brown sachant jouer au mieux de l’effet « Folk-Bayou » pour le respect des saveurs locales…
Ainsi catapulté dans les bacs courant 1979, et bénéficiant sans doute aux US de précieux relais radios, "Flirtin’ With Disaster" marche donc très clairement dans les pas de son aîné qu’il parviendra même à dépasser en termes de notoriété comme de ventes… Et pourtant !

Pourtant, si l’on y regarde d’un peu plus près, MOLLY HATCHET semble se contenter ici du minimum syndical et d’une créativité légèrement en berne (si l’on ne tient pas compte de la réutilisation à outrance des figures de style à succès propres au genre concerné) pour nous servir sur un certain nombre de titres armant ce "Flirtin’ With Disaster" une gentille bouillabaisse frôlant parfois un autoplagiat bien pâlichon quand on connaît les capacités du sextet. Au-delà de lignes rythmiques à l’efficacité éprouvée, de soli arachnéens aiguisés comme un sourire d’alligator et d’un socle basse-batterie jamais en reste… Que penser de titres frôlant dangereusement le convenu / le prévisible comme l’anecdotique "Jukin' City", le traînant "Good Rockin'", le sans saveur "Gunsmoke" ou encore le frais mais tellement téléguidé "It's All Over Now ?" Ça sautille, ça swing très correctement mais ça ne pétille pas !

Ces (petites) faiblesses sont d’autant plus visibles quand elle sont mesurées à l’aulne de la très belle pièce que nous offrent les Américains avec un titre éponyme ultra-rythmé à la classe virevoltante et où les instruments semblent revenir à la vie pour jouer avec facétie sur un style qu’ils rendent de nouveau diablement imprévisible, dignement aiguisé et ultra accrocheur : on ne sait pas toujours deviner la raison qui pousse à baptiser un album en utilisant l’intitulé de l’un des titres qui l’arment… Ici le choix semble très pertinent avec un "Flirtin’ With Disaster" qui se distingue autant du reste du peloton !
MOLLY HATCHET retrouve également ses racines et son sang sur la seconde partie du très Free Birdien "Boogie No More" avec des soli guitares croisés et résolument catchy qui s’étirent sur plus de 4 min pour notre plus grand plaisir auditif… LYNYRD, sort de ce corps !

Alors, au-delà de la pochette archi-connue, d’une prod légèrement datée, mais qui laisse tout de même entendre la basse enjôleuse de Mister Banner Thomas : en dépit de compos à l’inspiration inégale où le punch et l’originalité sont parfois partis se vider un petit sky au saloon le plus proche… et bien je recommande tout de même l’écoute de "Flirtin’ With Disaster" si ce n’est pour satisfaire le côté culture générale, mais au moins pour goûter à ce Rock Hard sudiste dynamique et décomplexé ! Et quoi qu’on en dise, nos petits gars de Jacksonville le valent bien, même si ici l’empressement de produire (trop ?) rapidement ce second opus a semble t’il empêché la maturation d’éléments créatifs qui l’auraient rendu plus percutant.

Ainsi, à l’exception d’un Danny Joe Brown qui s’apprête à quitter momentanément l’aventure, les membres talentueux de ce combo en ont encore sous la pédale, et le prouveront pas plus tard que l’année suivante sur un "Beatin' the Odds" particulièrement réussi en sus d’un nouveau frontman… Mais là, adieu mon objectivité !

Un peu mal à l’aise, je contemple le regard vide du Barbare qui vient de m’enfoncer sa lame de hache dans le crâne après que j’ai eu l’audace d’attribuer un bien pauvre 3/5 au mythique "Flirtin’ With Disaster" de sa formation sudiste préférée. Le pire, c’est que je ne lui en veux même pas : les mythes sont fait pour tomber… mais personne n’a jamais dit que cela n’était pas douloureux !

- pour comprendre le titrage de l’album "Flirtin’ With Disaster",
- pour les soli entrelacés "Boogie No More",
- pour l’ouverture toute en swing : "Whiskey Man".