Le trio russe était tout de même passé maître dans l’art de nous livrer des albums semblables à des joyaux et reflétant tantôt des paysages naturels éminemment abreuvés de poésie, tantôt des motifs sonores imprégnés de la fulgurance des comètes. Et si les deux premiers albums "The Magic Of Nature" (2012) et "The Colder The Night" (2018) ont toujours de quoi ravir malgré les années passées, "Fires" (2021) tanguait déjà un peu plus vers la banalité, ou du moins vers un sentiment moins passionnant que l’on appelle la monotonie. Alors, c’est tout oreilles en alerte que je saisissais au vol l’heureuse sortie de ce quatrième album fraîchement arrivé aux douces heures du printemps.

Quoi de mieux qu’écouter cette offrande en mirant le retour éclatant et opulent de la faune et de la flore. Passées les premières écoutes, il est temps peut-être d’aller confronter "Older Than Ancient" à ce qu’il mérite : un jugement par la Nature elle-même. Et c’est dans les yeux du vent, dans les narines du temps et dans la salive des torrents que nous emmenons décanter ces cinquante grosses minutes de Black Atmosphérique. Et la solennité est de mise, croyez-moi. En effet, si le groupe reste attaché au culte de la nature avec une approche très contemplative et mélodique du Black Metal, ce nouvel album très slave dans son approche vitupérante et épique nous emporte plus qu’outre mesure sur les rives glacées et les eaux gelées du lac Baïkal. Les mélodies auparavant assez éthérées et lancinantes sont ici plus agressives encore et atmosphériques. "Older Than Ancient" porte parfaitement son nom tant celui-ci paraît invoquer « l’ancien temps » et l’esprit de l’Histoire.

Et c’est genou au sol, parsemé de neige, que je relève les yeux vers ce divin horizon, vers ce retour en grâce de ELDERWIND. Ces claviers lascifs et lumineux font ici leur grand retour, après leur mise au ban dans l’album précédent "Fires", qui consacrait la part belle à une agressivité prépondérante et moins contenue. Ils nous offrent des passages intenses émotionnellement, mâtinés par les vocaux âpres et rageux d’Alexander Shirochenko. Le riffing est encore ici à tous égards assez prodigieux. Aux limites parfois du Post-Black, ELDERWIND nous fait savourer un Black Metal foncièrement cristallin à certains endroits mais très souvent majestueux. Les amateurs de leads lumineux, beaux à tomber par terre, en auront pour leur grade. Si l’album, passée son introduction, démarre par son titre le plus faible, "Prospectors", à la limite du consternant, la suite se veut incroyable et magistrale. Les titres vont s’enchaîner en nous prodiguant leurs médications intenses et déréalisantes. À nous donc l’expérience émouvante, à nous donc la rêverie, à nous donc le sentiment d’éternité.

Voyez-vous, c’est pour ce genre de Black Metal que j’aime vibrer à l’unisson avec les éléments, où que je sois. Je dois communier avec ces instantanés, ces vertiges, cette glace qui fond, ces ténèbres qui m’enveloppent, ces odeurs transparentes, ces mouvements de vie. ELDERWIND, et c’est peu dire, revient avec un album spirituel qui, tel un buvard, boit votre âme. L’expérience aurait été exceptionnelle avec ce "Prospectors" en moins. Plus encore que leurs deux premiers albums (chroniqués en ces lieux), "Older Than Ancient" se dresse devant nous la main tendue pour que nous traversions notre propre miroir. Les Russes, sous la gouverne de Vyacheslav Oboskalov aka "Persy", ont réussi un retour épique assez sensationnel. N’oubliez donc pas d’écouter cet album, il est incroyable.