Émettre une critique à propos d’un album de MIDNIGHT ODYSSEY n’est pas une mince affaire, tant il paraît important de le laisser infuser au fur et à mesure des écoutes, et de manière pérenne. Écouter un album de MIDNIGHT ODYSSEY est une immersion phénoménale si l’on prend soin de permettre aux longues compositions d’entrer en relation avec notre intimité. "Shards Of Silver Fade" est un monument du Black Atmosphérique, un vecteur de métaphysique musicale, une "Illiade et Odyssée" sonore et cosmique, une apothéose majestueuse et immense. Après un "Funerals From The Astral Sphere" (2011) qui avait posé les bases, érigé les fondations et nourri grassement en images et en émotions ce premier voyage de plus de deux heures, voilà que ce second album, plus ambitieux encore, plus étendu dans le temps, plus introspectif aussi, venait à notre rencontre quatre ans après.

D’une délicatesse infinie et astrale, "Shards Of Silver Fade" s’étend dans la matière noire et les nébuleuses informes en huit longs titres que deux CD compartimentent. Pour Dis Pater, le cosmos n’est pas un espace vide et froid mais bien un lieu chargé de mémoire. Chaque astre est une relique, chaque nébuleuse un mausolée où s’épanche éternellement les œuvres du temps infini. Dans ce sanctuaire funéraire céleste que représente l’espace, la musique de MIDNIGHT ODYSSEY et plus spécifiquement celle de ce "Shards Of Silver Fade" y fait à la fois écho et réceptacle. L’homme y apparaît de manière macrocosmique et sa Mort n’est plus une extinction mais davantage une ascension dans un sommeil profond et un feu vivant devenant une braise d’étoile… "Shards Of Silver Fade" est une tentative de retrouver le sacré par la musique, dans une époque qui ne sait plus l’écouter.

En hissant des titres longs comme des cérémonies et flottants comme des visions imprégnées de silence et d’échos, "Shards Of Silver Fade" nous conduit spectralement à des rituels de méditation, de transcendance et de sublimation. Écoutez "Son Of Phoebus" et son riffing répétitif incantatoire, ces claviers tout à la fois distants et hallucinés, et l’alternance du chant clair et doucereusement vociféré de Dis Pater qui nous entraînent et nous laissent glisser vers une expérience inédite de connexion avec d’autres forces en présence. Avant "Son Of Phoebus", "Hunter Of The Celestial Sea" avait érigé des cathédrales sonores moins vaporeuses et davantage entraînantes comme la mise en marche du voyage initiatique qui allait s’étendre tout du long de "Shards Of Silver Fade"…

"Asleep Is The Fire", qui lance le second CD de l’album, est une œuvre majeure de MIDNIGHT ODYSSEY. Elle fait sens à ce passage qui conduit la vie à la mort et à l’espoir de l’au-delà. "Starlight Oblivion", le titre qui lui succède, est d’une beauté saisissante. Les quatre premières minutes introductives de Dis Pater ont de quoi émouvoir avec ce chant clair nourri de réverb totalement en apesanteur. Et ce titre va s’étirer avec brio et nous faire traverser des paysages célestes inconnus, dardés par les vents solaires mélodiques et absorbés par les gaz. D’une manière générale, et afin de vous donner quelques clefs de réponse, "Shards Of Silver Fade" forme une pierre angulaire de MIDNIGHT ODYSSEY, un album charnière qui, n’éloignant pas le Black Metal de sa gouverne, augure de manière plus approfondie et puissante le règne progressif des ambiances atmosphériques et spatiales.

Dis Pater utilise sur cet album bien plus son chant clair et entremêle de longues parties vaporeuses et éthérées à des riffs noyés dans la réverb mais bien souvent constants. L’œuvre est immense et passionnante. Elle est aussi difficile à catégoriser tant ces titres forment un magma absolu et sont tous d’excellente qualité. C’est un travail exploratoire immense, une expérience en soi à emporter dans le règne de vos nuits. Mention spéciale – s’il me fallait choisir un unique titre – à "Darker Skies Once Radiant" qui, de son piédestal stellaire, nous embarque aux confins de nos pensées. MIDNIGHT ODYSSEY est passionnant, et si la très longue durée de ces albums pourrait être un frein pour nous tous, son pouvoir de rêverie est immense. Dis Pater est talentueux, et son talent est au service de ses compositions qui savent nous faire perdre, au fur et à mesure, nos repères. Un album donc exceptionnel d’un artiste génial.

Note réelle : 4,5/5.