Le Maître du Destin n’est qu’un vieil iconoclaste alcoolique mais surtout un sacré taquin qui ne manque jamais une occasion de ricaner sur le dos de l’humanité en général, et sur celui des pauvres kroniqueurs NIMiEns en particulier ! Tout en grattant sa méchante barbe grisonnante alors qu’il venait de s’enquiller son troisième whisky, il pensa tout haut :

"- Tiens donc, voilà t’y pas notre cher Haplo qui profite de la kro du tout premier album d’INNERWISH pour en pondre trois tonnes sur les soit-disantes faiblesses incontournables du sacro-saint "album des débuts" et qui s’en sert veulement pour nous infliger les affres de sa vie pré-pubère… Allons donc donner une petite leçon de chose à l’impudent !"

Cet ivrogne irréductible mais immortel étant bien trop malin pour afficher sa vilaine trogne au commun des mortels, c’est donc sous le couvert de l’alchimie algorithmique d’une playlist générée par mon service de streaming musical préféré à partir de mes goûts, mais sans oublier ses intérêts commerciaux, que les brésiliens d’ANGUISH PROJECT sont arrivés à portée de mes oreilles !
Et ce serait mentir que de ne pas reconnaître que ces mêmes oreilles, pourtant soumises à un dur labeur quotidien, n’aient pas été quasi-immédiatement séduites par le Metal trapu, puissant et mélodiquement calorique offert par ces quatre caballeros inconnus du bout du monde au travers d’un tout premier album philosophiquement titré "What's Believing?" paru en février 2025.

Inconnus… Ben voui mais pas complètement si l’on y regarde de plus près : ces gentilles têtes blondes qui forment les rangs d’ANGUISH PROJECT, tout en étant d’illustres anonymes du (petit) point de vue européen, gravitent quand même de manière pleine et entière dans la sphère Power-mélodico métallique do Brazil et ne répondent ainsi pas vraiment à l’idée naïve que l’on peut se faire d’un élevage de lapins de six semaines.
Un bassiste au sobriquet aussi expéditif que celui utilisé pour désigner un boxeur tombé à terre ayant précédemment œuvré au sein d’un combo nommé VENUS en compagnie d’un certain Edu Falaschi (ANGRA, ALMAH…) alors au micro ; un guitariste plus connu comme l’ancien batteur (?) du groupe trashy HELLSAKURA ou encore un vocaliste à la voix virilement cuivrée, ex frontman de FATES PROPHECY et toujours au crédit de CHILDREN OF THE BEAST… Nos oiseaux de paradis partent ainsi dans cette aventure de la première ponte avec certes les poches vides mais semble t’il très correctement chaussés !

Ajoutons à cela un certain Tito Falaschi (multi-instrumentiste chevronné, frérot d’Edu, ayant entre autres largement participé à l’opéra Metal SOULSPELL) à la prod et aux divers coups de main, un Roy Z (BRUCE DICKINSON, HALFORD) pour le mix powero-burné qui va bien sans oublier la patte masterisante d’un Maor Appelbaum (SEPULTURA, FAITH NO MORE) ou encore l’ami Edu Falashi planqué derrière le bar pour les arrangements vocaux… Tu conviendras, Ô lecteur objectif qu’on ne part pas vraiment ici d’une foutue feuille blanche !
Et au risque de faire ricaner ce vieux Maître du Destin, il faut bien reconnaître que ce "What's Believing?" s’avère particulièrement bien troussé : ANGUISH PROJECT y offre en effet un Metal ultra mélodique aux riffing tapageur où chaque refrain flirte avec l’hymne épique primordial, cadré par des lignes rythmiques tant massives qu’affûtées et posé sur un socle basse/batterie tabassant et cascadant à souhait. Ce mélange détonnant étant lui-même tour à tour amplifié ou adouci par des claviers discrets mais bien présents…

La voix syndicalement éraillée de Sergio Faga se révèle fougueuse et fichtrement entraînante tout en étant capable de pousser dignement dans les aiguës . Certaines intonations du bonhomme ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles du Maestro Edu Falaschi qui, comme on l’a évoqué plus tôt, n’est pas très loin… Mais ce n’est pas un fan d’ANGRA comme moi que ces similitudes offusqueront, bien au contraire ; tout le monde ne partage cependant pas un amour immodéré pour cette période du leader brésilien !
Côté soli guitares, dans la droite ligne des prestations instrumentales tirées au cordeau qu’offre ce premier opus, ceux-ci s’avèrent perçants et virevoltants à ravir, sans pour autant sombrer dans le complexe technico-nombrilien du guitar heroe… Bref, du bien bel ouvrage que voilà comme on dit dans ma Normandie d’adoption ! Seule la question de savoir qui les balance (l’ancien batteur ou l’ami Tito ?) m’empêche peut-être d’apprécier pleinement ces jolis tissages...

Aussi, que peut on bien reprocher à ce bel oisillon qui sort ainsi tout paré de son œuf ?
Les brésiliens d’ANGUISH PROJECT, avec toute la bonne volonté qui semble les animer, proposent ici une musique académiquement irréprochable respectant à la lettre toutes les figures de style pour le genre concerné et y apportent même une certaine fougue mélodique qui ravira les oreilles et les cœurs de celles et ceux pour qui le Metal se veut à la fois violence et énergie passionnée : c’est beau, c’est prenant et en plus ça envoie du pâté…. Au risque de manquer un peu d’âme et de personnalité !
Car ce "What's Believing?" m’apparaît ainsi un chouia téléguidé en étant calibré au plus juste afin de contenter la plus large audience possible, ceci ayant pour principale conséquence que l’on reste dans de la grosse ficelle cruellement standard, de très bonne facture il faut l’admettre, mais où la prise de risque comme l’identité artistique sont proches de zéro.

C’est donc sur les titres qui s’écartent le plus de ce sillon consensuel un peu balourd que mon petit cœur de beurre aura le plus tangué ; à savoir le long et délicieux "Wings Of Steel" armé de sa rythmique lancinante comme de sa ritournelle mélodique obsédante, le surprenant "Heroes" dont les riffs introductifs font clairement référence au titre éponyme de la comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber "The Phantom Of The Opera" et à plus forte raison à sa reprise par les finlandais de NIGHTWISH et où la voix d’un Sergio Faga habité atteint des sommets sur les refrains ou encore de la power-balade particulièrement réussie constituée par "She's An Angel", titre racé et puissant sur lequel les brésiliens s’amusent à brouiller les pistes en rendant leur art moins prévisible et donc un poil plus attrayant.
Mention spéciale, pour le reste plus standardisé de la galette, au très punchy "Fadin' (Until U Die)", hargneux, riffé et cavalcadant à souhait qui s’érige en hit en puissance pour les fans du genre. Même bien entourés et coachés, ces musiciens ne sont décidément pas des manchots.

ANGUISH PROJECT commet donc un premier né carrossé comme un avion de chasse, offensif et ambitieux où chaque titre aspire à devenir un hymne métallique à la mélodie inoubliable…. Mais qui manque d’une petite dose de supplément d’âme et d’originalité qui feraient qu’on frôlerait le sans faute. "What's Believing?" est un bon album car il a le mérite d’attirer l’attention et surtout de révéler un groupe sans doute capable de dépasser ses propres clichés et autres aspirations commerciales… C’est ce que nous dira sans doute le chapitre 2 que du coup j’attends non sans une certaine impatience !

Étant miraculeusement parvenu à me faufiler parmi les décombres de vaisselle sale jonchant le salon bordélique du Maître du Destin sans faire de bruit, je contemple cette vieille fripouille en train de ronfler ivre mort sur son canapé. Bercé par ses propres ronflements et rassuré par la boutanche de whisky qu’il sert comme un sceptre, il ne m’entend pas tailler le bois frais de sa table basse pour y graver un 3/5 exigeant mais bien tassé pour ce premier né prometteur des brésiliens d’ANGUISH PROJECT auquel j’adjoins sournoisement un "No Fuckin’ Fate", digne de ma Sarah Connor préférée !

- pour se laisser envoûter : "Wings Of Steel",
- pour le final chromé : "She's An Angel",
- pour le sprint à tout rompre : "Fadin' (Until U Die)".