Réglé comme un coucou suisse, MANTAR sortait à ses débuts un album tous les deux ans. La marge d’évolution semblait assez minime vu le style pratiqué, mais le duo ne semblait pas réfractaire à l’évolution. Même si les différences entre "Death By Burning" et "Ode To The Flame" résidaient pour beaucoup dans le changement de label (les Allemands avaient rejoint l’écurie Nuclear Blast), une certaine logique de composition se mettait en place et ne demandait qu’une étincelle pour prendre feu et devenir hautement explosive. "The Modern Art Of Setting Ablaze" va en effet nous présenter un groupe qui va de l’avant en jouant crânement sa chance et trouver les moyens de se sublimer totalement.

Pourtant, il ne faut pas s’attendre à une révolution totale de la musique pratiquée. MANTAR se reconnait dès le second morceau, le terrible "Age Of The Absurd", nous sommes toujours face à une espèce de Sludge mâtiné de divers autres styles avec un chant terriblement écorché évocateur du Black Metal. Cependant, Erinc Sakarya et Hanno Klänhardt vont insuffler une certaine forme de finesse dans leur écriture, qui se ressent dès l’introduction, "The Knowing", qui est un peu le calme avant la tempête. Après ça, ce sera un déluge, mais un déluge plus réfléchi.

Soyons francs deux secondes, musicalement parlant, l’évolution, c’est inutile de la chercher trop en profondeur, beaucoup de contours sont fixes. Pour faire court, MANTAR est un glaviot glaireux qui reste collé sur le visage, incrusté dans les pores de la peau à coups de poings et de Doc Martens. Sortir de ces quarante quatre minutes indemne est un petit défi en soi tant le duo nous malmène tout du long, à grands renforts de riffs destructeurs, de rythmiques harassantes et de ce chant à vous décoller les tympans si vous n’êtes pas un minimum prudent.

Cependant, là où avant le groupe pouvait donner l’impression d’être parfois en roue libre, d’adresser un grand doigt d’honneur à la construction des morceaux et n’en faisant de toute manière qu’à sa tête, il va se montrer plus carré, mieux construit, plus malin également. Les lignes mélodiques s’affirment, elles se retiennent facilement et surtout, malgré les breaks, elles ne se perdent pas dans des considérations futiles. Cela reste terriblement abrasif, mais en mettant de l’eau dans leur vin, les Allemands parviennent à proposer des morceaux variés, mais moins ouvertement sauvages. Ce qui ne rend pas la bête moins dangereuse pour autant.

En effet, si un aspect Rock’N’Roll se détache sur certains titres (comme le très bon "Teeth Of The Sea"), que le duo s’avère impérial sur les compositions les plus rampantes, les plus reptiliennes, qui débouchent souvent sur quelque chose d’épique ("Eternal Return", "The Funeral"), le groupe ralentit quelque peu les tempi afin que les déflagrations les plus frontales soient les plus marquantes possibles. A ce petit jeu, "Seek + Forget" s’avère extrêmement vicieuse dans son étalage de rage à peine contenue qui nous renvoie aux grandes heures des deux précédents opus dont ce "Modern Art Of Setting Ablaze" qui continue à conserver des points communs.

La violence est toujours là, bien présente, parfois de façon plus sournoise. Nos deux musiciens savent toujours faire beaucoup de bruit en comité réduit même si ici la production arrondit quelques angles, que le son laisse moins d’échardes sur son passage. Si certaines constructions sont moins hasardeuses, nous retrouvons toujours cette propension à créer de longues introductions menaçantes qui conduisent à des couplets explosifs et quelques refrains en mode rouleau compresseur achèvent notre agonie. Ce qui change principalement par rapport aux deux précédents albums, c’est que le groupe semble condenser ses idées et ne plus les user en les étalant sur de trop longues plages. MANTAR va ici droit à l’essentiel, les morceaux sont courts, solidement râblés, offrant une homogénéité à l’ensemble sans le desservir.

Alors oui, des titres comme "Taurus", "Obey The Obscene" ou encore "Dynasty Of Nails" ne font pas dans le dentelle, ils sont arides, vicieux, le chant agit comme du papier de verre sur nos oreilles, mais il y a ces mélodies plus palpables qui contrebalancent le tout, qui permettent à la musique de MANTAR de devenir plus accessible, moins hermétique. Entre les reptations terribles et les accélérations qui oscillent entre le Punk et le Hardcore, la formation offre un disque dense, qui demande un certain temps pour être pleinement assimilé. La musique du groupe est une espèce de porte ouverte sur un enfer terriblement urbain, une colère prolétarienne, celle du peuple. Une certaine forme de vox populi en quelque sorte.

Si l’on fait abstraction des lignes de chant, on remarque d’ailleurs que certaines constructions sont très Pop sur ce disque. Attention, je parle bien des constructions et non pas du style. Entre ce calibrage au niveau des durées, les structures finalement assez simples une fois que l’introduction est passée, certains codes sont les mêmes. C’est également cela qui fait que "The Modern Art Of Setting Ablaze" soit plus accessible que ces prédécesseurs sans pour autant être plus doux ou plus calme. MANTAR signe là ce que certains considèrent comme son magnum opus. Pour ma part, ce titre pourrait se jouer entre lui et son petit frère, "Pain Is Forever And This Is The End". Mais cela tient à très peu de choses.

Note réelle : 4,5/5.

Morceaux préférés : "Age Of The Absurd", "Seek + Forget", "Midgard Serpent", "Eternal Return".